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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée



Par Ralph Doumit
2017 - 10
Cela faisait quelques années que nous n’avions pas retrouvé Bastien Vivès sur un récit unique, en solo. Quelques années durant lesquelles il avait placé son énergie dans la mise sur rail d’un vaste projet populaire, un manga à la française, LastMan, en compagnie de Balak et Mickael Sanlaville. Mais voici que revient le Vivès de Polina, celui des histoires intimes, réalistes, et qui n’a pas peur de décortiquer et d’exhiber les sentiments troubles de l’adolescence.

Une Sœur se présente sous une couverture sobre, qui évoque une affiche de cinéma. Antoine et son petit frère Titi sont en vacances avec leurs parents, dans une maison au bord de l’eau. Or voici qu’une amie de la famille vit la douloureuse expérience d’une fausse couche. Solidaires et voulant lui proposer leur réconfort, les parents des deux garçons l’accueillent quelques jours, ainsi que sa fille, Hélène, en fin d’adolescence. Durant cette courte période, Hélène vit, s’endort et se réveille dans la chambre des deux garçons.

Une Sœur est une histoire sur les âges. Ou plus précisément sur ces différences d’âges, légères, mais qui, en adolescence, changent pourtant toute la donne. C’est d’abord le lien d’un frère de treize ans, Antoine, à la porte des années de tous les bouleversements, avec son petit frère, Titi, encore blotti dans la bulle de l’enfance. Mais c’est surtout le lien entre le même Antoine et, de trois ans son aînée, Hélène.

Le plus touchant peut-être, dans ce récit, est la manière dont chaque personnage est à la fois tiré vers la caresse rassurante de l’âge inférieur et poussé vers le trouble et les frissons de l’âge qui suit. Quand Titi n’a de cesse de rappeler Antoine vers l’enfance, Hélène le pousse vers le monde bouleversant de la seconde partie de l’adolescence. Tous deux sont en découverte d’une sexualité naissante. Une découverte faite de tentations, de gestes qui deviennent plus osés par saccades plutôt que de manière douce et progressive, et rendent les corps comme des silex, prêt à s’enflammer au moindre toucher. Hélène, du haut de ses seize ans, est des deux celle qui prend les initiatives.

Bastien Vivès évite l’écueil d’une histoire qui n’irait que dans un sens. Ce tiraillement, vers l’enfance dans une page, vers l’âge adulte dans la suivante, est au cœur du récit. Hélène en particulier, malgré le rôle d’initiatrice qu’elle se donne, est un personnage qui subit des courants contraires. Si prompte à se laisser entraîner dans les mouvements de groupe des jeunes de son âge, elle revient pourtant sans cesse à Antoine, comme rassurée par ce qu’il porte en lui d’innocence, de laquelle elle s’écarte pour sa part inexorablement.

Le trait de Bastien Vivès, tout en fluidité et usant à l’extrême de déliés délicats et de pleins audacieux, se prête fort bien à la représentation des corps et à leur sensualité. Si bien que le trouble que les personnages ressentent, à la découverte l’un de l’autre, n’ont pas besoin d’un surplus de mots.


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Une Sœur de Bastien Vivès, Casterman, 2017, 216 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166