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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Cuisine
Le miroir de la diversité


Par Jabbour Douaihy
2015 - 12
Après Cuisine libanaise, Andrée Maalouf, « passionnée de cuisine » et Karim Haïdar, juriste devenu cuisinier, et tous les deux expatriés en France depuis de longues années, viennent d’ajouter encore un titre à la bibliothèque culinaire libanaise déjà bien fournie et de signer Saveurs libanaises. Même éditeur, même format, autant de savoureuses photographies.

La couverture est ornée d’un bol plein de boules de falafels « fraichement » sorties de cuisson. Cette « saveur » qui fut il y a quelques années l’objet d’une polémique nationaliste autour de sa paternité entre Palestiniens et Israéliens sans oublier la fameuse ta’miya égyptienne, soulève le problème de la particularité du manger libanais s’il en a une. À l’image de certains de ses aspects constitutifs, le Liban parvient à offrir une anthologie de diverses traditions culinaires allant de la sphère turque ou persane jusqu'aux bords du Nil. La « contribution » libanaise, encore discutable, est peut-être à chercher dans certaines compositions « maigres » de la montagne et dans des produits de base comme le bourghol (fin, blond ou brun), la crème de sésame, téhiné, ou la mélasse de grenade. 

Mais les auteurs le savent quand même quand ils revendiquent un « héritage considérable venu de toutes les terres du Levant (…) et qui n’a de cesse d’évoluer, de s’affiner et de s’amplifier depuis des siècles ». Ce métissage continuellement amélioré par le savoir-faire des chefs libanais, préfigure l’internationalisation du goût et des plats dont parle Amin Maalouf qui rédige encore la préface pour ce nouveau catalogue : « À vrai dire (la cuisine) est de nos jours le visage le plus accepté et le plus rassurant de la mondialisation. Elle est le meilleur témoignage en faveur de la diversité comme de l’universalité. » Reste que la vérité est dans le plat avec en ouverture le défilé traditionnel des mezzés et, à tout seigneur tout honneur, la tabboulé qui a fait le tour du monde, en tête avec une variante qui ajoute la coriandre et le piment vert à l’incontournable persil. Osons pour poursuivre les mêmes falafels mais… aux crevettes, les escargots tarator et pourquoi pas la bonne vieille chicorée hendbé et ses oignons dorés et croustillants. Dans la rubrique des Kebbés, on s’eloigne des classiques Kebbé au four à l’huile d’olive ou autres boules à la graisse pour l’arnabiyé aux oranges amères des villes ou l’accompagnement des amandes ou des noix, voire des boulettes farcies de crevettes. Les plats de légumes privilégient les fèves (en fatté aux épinards), les blettes (farcies de riz et de pois chiches) et les topinambours, rappellent la bonne vieille rechta aux lentilles ou la succulente makhlouta avec ses quatre graines (bourghol, haricots secs, lentilles blondes et pois chiches). L’appétit monte encore plus avec la viande qui se prépare en laban emmo (souris d’agneau au yaourt chaud), avec les truffes du désert, les feuilles de vignes aux cailles et la cerise qui progresse dans les plats libanais, accompagnant ici le gigot d’agneau en kafta. Pour le poisson, la samke harra de Beyrouth est mise en vis-à-vis avec celle de Tripoli sans oublier les rougets aux fèves. Au dessert nous choisirons la bassma (petits carrés de semoule farcis à la pistache) et la bien nommée osmallié (l’ottomane) à la crème et à la rose. Ajoutons à tout cela la composition réputée diététique de la cuisine méditerranéenne et libanaise pour dire deux fois « santé ! ». Sahtein !


 
 
© Loïc Nicoloso
 
BIBLIOGRAPHIE
Saveurs libanaises de Andrée Maalouf, Karim Haïdar, Albin Michel, 2015, 176 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166