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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le livre de chevet de...
Roger Assaf
2015-10-01
J’ai tellement changé de chevets dans ma vie que je ne saurais dire aujourd’hui avec quel livre je me suis couché. D’ailleurs je n’ai jamais lu au lit. Quand je suis amoureux d’un livre, et Dieu sait si j’en ai dragué depuis mon premier abécédaire, je le feuillette avant de le parcourir, je le lis souvent en désordre, j’aime me glisser entre ses pages, sauter des chapitres, revenir sur des pages déjà lues, il y a d’ailleurs des livres que j’ai aimés et que je n’ai jamais lus en entier. Passionné de théâtre et d’histoire, je me plais à passer d’un siècle à l’autre entre deux in-quarto et me réjouis de faire un melting-pot où se mêlent et se brassent les pièces de théâtre de toutes les époques et de tous les coins du monde.

Reste à dire lequel a été (ou est) l’élu de mon cœur de lecteur. Si livre de chevet il y a, eh bien il y en a au moins un par chevet. Mais jamais une pièce de théâtre, encore moins un roman, les seuls livres avec lesquels j’aime me retrouver, pour le plaisir de faire une fugue, de franchir le pont qui me sépare du temps qui passe, tôt le matin ou tard le soir, ce sont des livres de poésie. Ces livres sont au chevet de ma vie quotidienne. L’adolescent que j’étais a longtemps trouvé son plaisir dans la poésie de Victor Hugo, puis le jeune homme l’a délaissée pour celle de Rimbaud et de Mallarmé, d’autres m’ont par la suite accompagné dans mes escapades le temps d’une ou deux saisons, les nôs de Zeami ont durablement hanté mes alcôves, mais depuis plus de dix ans, tous les jours, deux poètes se partagent mes heures d’évasion, tantôt l’un tantôt l’autre et parfois les deux en même temps : Antonin Artaud et Mahmoud Darwich. Tellement différents l’un de l’autre mais soudés dans mon esprit par leur souffrance insoumise, par leur voix rebelle au monde d’aujourd’hui. Deux exilés de la vie, l’un dans son corps, l’autre dans sa patrie, l’un indigné par « l’unanime saleté » qui nous entoure, l’autre révolté par le viol interminable de la Palestine.
 
 
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2020-04 / NUMÉRO 166