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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le livre de chevet de...
Charles Dantzig
2013-01-03
Comme je le dis souvent, je n’ai pas de livre de chevet, car je ne m’endormirais jamais. Comment s’abandonner au mixage embrouillé de sa mémoire, quand il y a celle, si bien mise en forme, des autres ? Par exemple, le volume de Philippe Soupault, Histoire d’un blanc (1927, Gallimard, L’Imaginaire). On y trouve le réjouissant récit d’un membre de sa famille que l’on prenait pour un crétin parce qu’il ne voulait pas passer son bac et qui a découvert un mécanisme automobile l’ayant rendu milliardaire, commandeur de la Légion d’honneur et admiré par cette même famille, alors qu’il était en effet un crétin.

Même s’il manque parfois de tension, c’est un livre relevé par de très belles phrases, comme « les grands jardins qui assistèrent à mon enfance », et de très beaux passages, comme le récit de sa rencontre, à quinze ans, avec Marcel Proust, c’était à Cabourg. Proust craint la lumière du soleil, sort avec une ombrelle, les garçons d’hôtel craignent de faire du bruit et de le déranger, et personne ne se moque de lui. « (…) Je n’ai jamais entendu dire par qui que ce fût (et Dieu sait quels idiots habitent Cabourg l’été !) qu’il était affecté. On comprenait que le soleil et le bruit lui faisaient vraiment “mal”, on le respectait, on l’aimait. » Tout cela vient de Proust. Il émanait de lui quelque chose de crémeux, on le protégeait. 

Soupault raconte qu’Apollinaire provoquait des haines et qu’on le méprisait, ce que l’on ne saurait pas s’il ne le disait pas. Seuls ses amis ont écrit sur lui, et avec quelle affection. Soupault a une des plus jolies phrases que l’on puisse avoir pour dire son amour d’une personne: « Avec lui la vie n’était pas plate. » 
 
 
© © Cici Olsson
 
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