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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le livre de chevet de...
Gabriel Yared
2012-10-04
Dans « livre de chevet », c’est le chevet qui m’intéresse. Le Larousse en donne quatre définitions dont trois se rapportent au lit : soit le panneau vertical à l’extrémité du lit, où on pose sa tête, soit la tablette attenante à cette extrémité et sur laquelle on peut poser une lampe, un livre, soit enfin un appuie-tête, un oreiller.

Le lit n’a pas été pour moi une oasis, un lieu de tranquillité, de lecture... et ne le sera jamais. Aussi étrange que cela puisse sembler, je n’ai jamais lu au lit, ni dessus la couette, ni dessous ! Jamais, même malade et alité, je n’ai été un adepte de lisons heureux, lisons couchés. Et cela doit remonter à ma petite enfance, au pensionnat, période de ma vie où le lit ne constituait ni un refuge ni un lieu d’intimité ; la nuit dans ce dortoir, nous étions une bonne centaine, couchés sur des lits alignés et distants de quelques centimètres les uns des autres, dans un brouhaha de ronflements, de toux et de râles… Et il fallait se presser de trouver le sommeil pour éviter de subir cette bruyante promiscuité.
Je crois que la lecture est un acte actif, et la posture couchée est, tout au moins pour moi, lénifiante, elle ne pousse pas à la concentration ni à la participation de tout l’être, corps et esprit, à ce qu’il lit et découvre, à ce qui va peut-être bouleverser sa vie...
Je lis assis, pas vautré, sur une chaise ou un canapé, je lis aux toilettes comme bien d’autres, je lis au restaurant quand je mange seul, ou encore dans un parc, assis sur un banc ou adossé à un arbre, j’ai même lu dans un placard légèrement entr’ouvert pour laisser pénétrer la lumière... Et autrefois, au pensionnat, où nous n’avions le droit de lire que certains romans triés sur le volet, censurés et épurés de toutes traces de chair – oh les diaboliques tentations qui auraient pu nous faire sombrer dans le péché ! –, je lisais des livres illicites, en cachette sous la table, tout en balayant des yeux l’espace environnant pour éviter de me faire attraper et coller par le surveillant de service...

J’ai même essayé de lire en marchant. Cette envie bizarre m’est venue très jeune, après avoir observé le père A.M. arpenter de long en large une allée de jardin, le regard plongé dans son bréviaire ; j’avais tellement envie qu’il se casse la figure ! Et pourtant, il déambulait en avançant tout droit sans dévier, comme s’il avait des yeux dans les semelles... Admirable !

Oui, je suis un lecteur assidu, j’ai beaucoup lu et dévoré, de la musique certes et par-dessus tout, mais aussi beaucoup de romans, d’histoires, de pièces de théâtre, des ouvrages sur les arts, la peinture, la psychologie, la philosophie, l’astrologie, etc.

Ce que j’ai lu ou que je lis fera peut-être l’objet d’un autre chapitre, mais je n’ai pas de « livre de chevet ». J’aime lire lentement, approfondir, me pénétrer de chaque mot, chaque phrase, respirer avec chaque ponctuation, et, parvenu au bout de ma lecture, je n’y reviens plus, ou alors très rarement pour rechercher un passage précis. J’aime entrer dans le cœur des livres jusqu’à les connaître quasiment par cœur. 

Mes livres de chevet sont aussi les livres de musique, les partitions que je déchiffre, analyse, décortique, vers lesquelles je reviens incessamment pour leur arracher leurs secrets, jusqu’à ce que, nourri de leur sève, je croie en avoir assimilé l’essence.
 
 
© © Peter Cobbin
 
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