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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Exposition
Mai 68 : images d’histoire, histoire des images


Par Georgia Makhlouf
2018 - 05
Daniel Cohn-Bendit face à un CRS devant la Sorbonne, barricades, meetings, duels entre CRS et étudiants, montagnes de pavés, poings levés, une « Marianne » juchée sur les épaules d’un camarade et brandissant un drapeau… Depuis 50 ans, notre mémoire est saturée d’images, le plus souvent en noir et blanc, représentant des moments-clés de Mai 68 et dont certaines sont devenues de véritables icônes. Comment s’est construite cette mémoire collective, cette représentation tronquée des événements ? Pourquoi certaines photographies sont-elles devenues des icônes ? Quelles interactions entre traitement médiatique et discours sociaux élèvent certains clichés au rang d’icônes, quand d’autres tombent dans l’oubli même si les événements auxquels ils renvoient sont cruciaux ? S’appuyant sur près de deux cents pièces – photographies, planches-contact, magazines, documents audiovisuels –, l’exposition présentée par la BNF reconstruit la trajectoire médiatique de certaines de ces images célèbres et tente de comprendre tout à la fois leur histoire et la façon dont elles sont entrées dans l’Histoire.

La Marianne de 68 de Jean-Pierre Rey par exemple, a d’abord été publiée en petit format en 1968 dans la presse française. Elle a ensuite été reproduite à plusieurs reprises jusqu’en 2008. Au fur et à mesure de ses publications, le cadrage se resserre, faisant perdre à la photographie son contexte et partant, son ancrage historique. Les commentaires se recentrent sur l’image elle-même et font d’elle un symbole de Mai 68.

A contrario, la première « nuit des barricades », celle du 10 au 11 mai, ne laisse aucune image pérenne. Malgré leur caractère spectaculaire et l’imaginaire puissant que suscitent ces scènes d’affrontements nocturnes, les photographies produites ont fait l’objet de peu de publications ou de citations ultérieures, sans doute en raison de leur manque de lisibilité et de leur décalage avec le récit porté par les médias.

L’exposition interroge également la pratique de la couleur : comment et pourquoi la mémoire visuelle de Mai 68 se conjugue-t-elle en noir et blanc alors que les événements ont été couverts et diffusés en couleurs par la presse de l’époque ?

L’exposition évoque enfin quelques expériences photographiques collectives qui se sont passées en marge du champ médiatique : le club photographique des 30x40 ou l’atelier Signes, qui vont tenter de faire circuler leurs images dans un réseau de MJC, d’association ou de syndicats. La portée de ces initiatives engagées restera circonscrite. Elles ne pourront rivaliser avec la mise en récit et le martelage d’images portées par le système médiatique.

Passionnante exposition qui a donné lieu à un beau catalogue reproduisant l’essentiel des documents visuels, complétés par les analyses critiques de différents historiens, spécialistes de culture visuelle. L’exposition se tient à la BNF du 17 avril au 26 août.


 
 BIBLIOGRAPHIE
Icônes de Mai 68 : les images ont une histoire, BNF éditions, 160 p.
 
 
 
© Gilles Caron / Fondation Gilles Caron
 
2020-04 / NUMÉRO 166