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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée



Par Ralph Doumit
2020 - 03


En 1963, paraissait l’album illustré Max et les Maximonstres (traduction prudente d’un titre anglais autrement plus savoureux?: Where the Wild Things Are). Maurice Sendak nous y racontait l’histoire de Max, garçon effronté, puni par sa maman et qui, du haut de son arrogance, s’invente un monde peuplé de grands monstres serviles dont il est le roi.

Les Vermeilles, nouveau récit fleuve de Camille Jourdy, reprend quelque peu le même schéma, en offrant cependant le rôle principal à une petite fille autrement plus discrète?: Jo. Puisant dans un ressenti plus retenu, Jo ne s’en invente pas moins un monde à son image lors d’une fugue en forêt qu’elle entreprend pour échapper à une famille décomposée, recomposée et adepte des téléphones portables.

Dès ses premiers pas dans la forêt, elle rencontre des êtres étonnants, de très petite taille, évoquant parfois des animaux familiers, parfois plus hybrides. N’obéissant qu’à sa curiosité, elle suit les premiers et la voilà projetée dans une petite communauté en effervescence, diverse, mais dont elle découvre la tragédie?: certains des leurs ont été enlevés par un roi tyrannique. Ni une ni deux, elle les accompagne dans leur projet, somme toutes assez improvisé et qui consiste sans préparation à aller au château les libérer.

Nous connaissions Camille Jourdy par ses longs récits imprégnés de quotidien, au plus près des gens?: Juliette ou Rosalie Blum, son œuvre phare, qui avait ravi les lecteurs de bande dessinée autant que les cinéphiles (l’adaptation, portée par l’attendrissante performance de Kyan Khojandi et Noémie Lvovsky, est une capsule de bien-être). Or voici que l’auteure se lance dans un récit à destination des plus jeunes.

Le choix d’Actes Sud de publier Les Vermeilles sous une forme identique à celle des romans graphiques plus adultes de Camille Jourdy (même format, même élégance dans la fabrication, papier de qualité) est appréciable et justifié tant l’auteure garde, lors de son passage vers le lectorat jeunesse, la même ampleur dans le récit, la même exigence dans l’écriture de dialogues, la même complexité dans les rapports entre les personnages et la même subtilité dans les aquarelles. La végétation est un terrain de jeu inépuisable pour un dessinateur et son foisonnement permet toute sorte de jeux, de compositions, d’improvisation. Camille Jourdy s’y donne à cœur joie.

En permanence dans l’intime et le micro-événement, Les Vermeilles est un récit d’aventure certes mouvementé, mais vu par le prisme des petits instants. Alors que la trame du récit découle directement d’une situation sociale et familiale, alors qu’elle met en scène une vie de communauté, sa force est de savoir constamment rester à l’écart de tout commentaire social, de toute catégorisation des personnages, et de rester en permanence au plus près des individus.

L’album a inauguré les cérémonies du festival international de la bande dessinée d’Angoulême, en remportant le Prix Jeunesse. Une juste récompense pour un album réjouissant.


 
 
Les Vermeilles de Camille Jourdy, Actes Sud BD, 2019, 160 p.

 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166