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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée
Goscinny père par sa fille


Par Ralph Doumit
2019 - 10


Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker, Olympe de Gouges, Benoîte Groult. Catel nous avait habitués à ses romans graphiques fleuve dépeignant la vie de femmes ayant marqué leur temps. Lorsque Anne Goscinny, la fille de René, scénariste d’Astérix, Lucky Luke, Iznogood et Le Petit Nicolas lui propose de s’attaquer cette fois-ci à la vie de son père, Catel n’hésite pas un instant : c’est non.

Le parcours de René Goscinny est certes passionnant, mais il n’est pas une femme. Il n’est donc pas éligible. Le temps passe sur ce premier refus, et l’amitié entre Catel et Anne Goscinny s’installe durablement, notamment autour d’un projet éditorial qu’elles mènent en duo : les aventures de Lucrèce, sorte de pendant contemporain et féminin du Petit Nicolas, écrites par l’une, illustrées par l’autre. Si bien que Catel revient un jour sur sa décision : une vie de Goscinny en bande dessinée ? C’est d’accord, à une condition : y mêler la voix d’une femme. Celle d’Anne.

Le Roman des Goscinny retrace la vie de René de sa naissance au jour où son plus célèbre enfant de papier, Astérix, voit le jour. C’est donc avant tout le récit d’une formation et du chemin accidenté qui mène à la reconnaissance. 

De famille juive ayant fui les pogroms, René a grandi en Argentine. La France restera longtemps pour lui un pays de vacances, auquel on n’accède qu’après une traversée en bateau de plusieurs semaines. À l’abri des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, mais marqué par le tragique destin d’une partie de sa famille restée en Europe, Goscinny tentera de lancer sa carrière aux États-Unis. Convaincu que sa vocation est de faire rire, il y fréquentera la joyeuse bande qui lancera bientôt le mythique magazine satirique MAD. De désillusions en désillusions, de travaux alimentaires en courtes nuits à bucher sur des textes de commande, il n’aura de cesse de puiser en lui la force de ne pas abandonner ce pour quoi il est convaincu d’être fait.

Il y a une émotion lorsqu’on découvre au détour des pages de Catel des reproductions de dessins de Goscinny. Comme tout passionné se destinant à faire de la bande dessinée, le jeune Goscinny s’imaginait d’abord dessinateur. Métier singulier que celui de scénariste, qu’on ne rêve pas enfant, mais qui s’impose en cours de route.

Émotion aussi lorsqu’en fin d’album, les conditions qui mèneront au succès commencent à se réunir. Ce sont avant tout des rencontres : celle avec Albert Uderzo, futur dessinateur d’Astérix, celle avec Morris, qui n’avait pas attendu Goscinny pour lancer son lonesome cowboy de Lucky Luke dans les déserts arides de l’Ouest américain, et celle avec Jean-Michel Charlier, qui accompagnera les efforts de Goscinny pour la légitimation du métier de scénariste, se consacrant à des séries réalistes alors que Goscinny restera fidèle à sa vocation d’humoriste.

S’il était encore besoin de le prouver, Catel nous rappelle une nouvelle fois qu’elle a, avec sa série de biographies, installé un ton et un genre singuliers. Chaque nouvelle pierre à l’édifice résonne désormais comme un rendez-vous, qui fait du bien et qu’on attend.


 
 
 BIBLIOGRAPHIE 
Le Roman des Goscinny, Naissance d’un Gaulois de Catel Muller, Grasset, 2019, 344 p.

 
 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166