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Bande dessinée
Meet Nao Brown


Par Zeina BASSIL
2014 - 01
Nao Brown est une jeune «?halfu?»?: mi-anglaise de mère, mi-japonaise de père. Elle tente difficilement de percer dans le monde de l’illustration après des études aux beaux-arts. Entre-temps, elle travaille dans un magasin de jouets nippons pour adulte, tenu par son ami de l’école. Elle rêve d’une relation amoureuse, de sécurité et d’épanouissement comme toutes les jeunes femmes de son âge. Nao est mignonne. Elle se déplace dans les ruelles de Londres à vélo, a un goût développé pour la culture Geek, et se rend régulièrement dans un centre de méditation bouddhiste. Seul problème, Nao souffre de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Ceux-ci ne se limitent pas exclusivement à exiger que les albums des Aventures de Tintin soient rangés dans un ordre chromatique, mais s’étendent à des visions violentes qui secouent son quotidien. Nao s’imagine soudain en train de crever le ventre d’une femme enceinte, de percuter la tête du chauffeur de taxi contre le pare-brise, de poignarder son meilleur ami, où d’écraser un enfant qui traverse la rue. Des événements qu’elle évalue de 1 à 10 en intensité de violence et se replie après-coup sur elle-même, réalisant la gravité de sa situation. Nous suivons Nao dans sa quête de paix, d’un certain équilibre, d’amour et d’amitié.
Nao dissimule son trouble le mieux qu’elle peut, surtout lorsqu’elle rencontre Gregory, un réparateur de machines à laver dont elle s’éprend. Il ressemble à Ichi, un personnage d’anime –?genre de film d’animation japonais?– dont elle est fan. En parallèle à l’histoire de Nao, nous suivons, sur quelques pages insérées, des épisodes de l’histoire de Pictor, mi-homme mi-arbre, qui recherche l’amour pour se débarrasser du sort maléfique qui a transformé son apparence et celle de sa famille. L’analogie entre Nao et Pictor est établie...
Le Nao de Brown séduit déjà avec sa couverture. Un personnage, dont la tête est une machine à laver, annonce le ton perturbé de ce roman graphique. Les dessins sont réalisés au crayon et à l’aquarelle, dans une démarche très classique et un style réaliste qui convient au choix narratif du talentueux dessinateur et scénariste anglais, Glyn Dillon. Il raconte sans expliquer. Il montre les tourments intérieurs de Nao ainsi que ses transformations physiques au cours de l’histoire?: changement de coupe de cheveux, de style vestimentaire pour séduire Gregory. Nao existe comme de vrai.

Avec un trait qui peut rappeler celui de Manara, Dillon est maître des expressions faciales et corporelles. Ses personnages bougent aisément de case en case, dans des mouvements mesurés et précis qui donnent à son roman un effet animé, quasi cinématographique. Cet effet est encore renforcé à la fois par la force des détails réalistes du cadre londonien du roman, et aussi par le contraste graphique de la fable de l’enfant Pictor que l’on suit par intermittence, un univers médiéval simplifié et inspiré par les animes de Gil Ichiyama.

À l’instar de sa compatriote Posy Simonds (Gemma Bovery et Tamara Drewe chez Denoël), Glyn Dillon excelle dans le roman graphique social. Sa démarche narrative très personnelle et son style graphique réaliste recréent le quotidien authentique de personnages plus humains qu’en nature, avec leurs qualités et leurs défauts. Avec Le Nao de Brown, il a été récompensé par le prix du jury 2013 d’Angoulême. À notre plus grand plaisir.


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
The Nao of Brown de Glyn Dillon, illustration en couleur,éditions Self Made Hero, 208 p. VF : Le Nao de Brown, édition Akileos.
 
2020-04 / NUMÉRO 166