Cinéma
La vérité, en dernière instance
Par Melhem CHAOUL
2011 - 02
Journalisme et cinéma, c’est au départ une liaison américaine. En effet, une idée bien connue est celle qui établit aux États-Unis un lien entre liberté de la presse, accès à l’information et à la « vérité » et démocratie. La mise en exergue de ce principe, notamment à travers le cinéma, témoigne d’une philosophie ou d’une vision du politique profondément ancrée dans la société.
Un débat s’instaure alors, celui du rapport de la presse et de la culture de masse : comment maintenir la démocratie dans le monde moderne de cette culture ?
Le « célébrissime » Citizen Kane ouvre la marche du processus consistant à raconter des histoires de journalistes au cinéma. C’est que dans la culture américaine, il existe une forme de perméabilité entre le monde de la presse et celui du cinéma, zone mitoyenne du storytelling partagée entre journalistes, scénaristes et réalisateurs. Ce film évoque tous les aspects du journalisme et pose les questions fondamentales concernant ce métier, le rapport à la vérité ainsi que les questions politiques relatives à la dépendance de la presse à l’égard des pouvoirs. Cette quasi-osmose entre le milieu du journalisme et celui du cinéma n’a d’ailleurs jamais véritablement existé ailleurs qu’aux États-Unis.
À partir de là , le « cinéma journalistique » s’impose comme genre incontournable du cinéma mondial au même titre que le western, la comédie musicale ou le film policier. Ce qui amène Sonia Dayan-Herzbrun à formuler le constat d’après lequel « le cinéma héroïse la profession de journaliste telle qu’elle s’exerce à l’époque moderne, étant entendu que tous les mythes mettent en scène en dernière instance des héros » (il ne faut pas oublier que dans la vie réelle, Superman est journaliste). En effet, le cinéma nous montre un journaliste qui, au péril de sa propre vie, nous fait participer à sa découverte d’une situation historique. C’est cela l’héroïsation de l’aventure journalistique qui revêt ici les caractères du récit mythique. À la différence du reportage télévisé, le cinéma nous raconte des histoires de découverte de soi que vivent des reporters envoyés sur des terrains « exotiques ».
Mais on peut, à ce stade, se poser une question : qu’est-ce qui mine le journaliste, héros de film, et qui le pousse à nous raconter des situations historiques au péril de sa propre vie ? Réponse : une passion, celle de la vérité. Dayan-Herzbrun nous fait découvrir que « quel que soit le pays où ils ont été produits, les films de journalisme les plus récents mettent en scène cette passion de la vérité, souvent déconnectée de tout autre message politique ».
Dans ce monde où les politiciens sont sans scrupules, les policiers corrompus, les liens sociaux, amour ou amitié, fragiles, seule compte, en dernière instance, la vérité. La vérité des choses telles qu’elles sont dites, écrites ou montrées.
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