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Théâtre
Florian Zeller ou les inconvénients de dire la vérité


Par Edgar Davidian
2011 - 09
Retenons d’emblée le jugement de Laurent Terzieff à propos d’un jeune dramaturge qui sort du rang : «  Florian Zeller est un des rares auteurs d’aujourd’hui qui réponde à ce que l’art, toutes disciplines confondues, exige : une vision personnelle de l’existence où les fantômes de l’auteur rejoignent nos propres fantômes et qui élargit notre conscience de la vie. »

Une allure de jeune premier et une plume qui égratigne. Sans faire vraiment du mal, mais une plume qui joue au chat et à la souris avec le lecteur, le spectateur. Avec ce brin de tendresse et de compassion pour une humanité un peu en dérive. Si le succès de Florian Zeller, romancier et dramaturge, s’élargit, la critique, surtout parisienne, est loin de faire l’unanimité autour de ses opus. Quant au public et lectorat, l’accueil est plus qu’encourageant.
Talent précoce, Florian Zeller publie à l’âge de vingt-deux ans son premier roman Neiges artificielles, suivi en 2003 des Amants du n’importe quoi, traitant non sans un humour corrosif de la polygamie masculine. Romans qui retiennent certes l’attention, sans toutefois attirer les prix. Mais cela ne saurait tarder car en 2004, Florian Zeller décroche le prix Interallié pour La Fascination du pire. La même année, il entame son écriture dramaturgique. Six opus à son actif et un public grandissant et fidélisé à son art de brosser des personnages, de mettre en situation, de donner les répliques, de titiller le suspense et de faire redémarrer les dialogues. La collection L’Avant-Scène devient l’écrin de ses écrits dramaturgiques.
Aujourd’hui, Flammarion édite ses deux dernières œuvres de scène La vérité et La mère où le théâtre, art de la représentation, devient aussi moment de lecture… Grâce à une écriture toute en finesse, sans joliesse inutile, sans jamais sombrer dans l’emphase, sans sophismes creux ni effets grandiloquents. On dirait parfois une délicatesse, une musicalité presque aux approximations de l’esprit et des rythmes et cadences de Françoise Sagan. Avec un plus dans le creusé des personnages, de la force du non-dit, de l’art des silences, des espaces d’évasion.

Tout un savoir que ces inconvénients de dire la vérité, de détecter l’ingratitude et l’oubli des enfants pour la dévotion ou les sacrifices d’une mère. Il y a sans nul doute dans cette dernière œuvre – mais pas en traits aussi noirs ou macabres – les traces d’une mère Lear, d’une mère Goriot… A-t-on jamais songé à ces femmes oubliées, esseulées, laissées pour compte ? Loin de Gorki ou de Brecht, la mère de Florian Zeller a aussi ses moments d’émotion intense et ses larmes au coin des paupières… Entre pièges du mensonge et registre des cordes maternelles, entre dénégations et tendresse, entre valse des hésitations et lait nourricier, entre couples illégitimes qui rêvent d’amour et enfants que tentent les dérobades, Zeller compose une partition toute en nuance et habileté. Avec des propos quotidiens, simples, faussement transparents, presque anodins, l’histoire est cousue de main de maître et l’assemblage prend.

 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
La vérité et La mère de Florian Zeller, Flammarion, 2011,261 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166