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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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À l’approche de la mort, bien loin de leurs repères familiers et sous le feu de la guerre, dix animaux témoignent de la vie qu’ils ont menée et des êtres côtoyés et aimés. Un regard doublement empathique de l’animal sur son prochain, qu’il soit bête ou homme. 

Par Ritta Baddoura
2017 - 02

«Je l’avais entendu dire qu’il aimait intégrer des animaux dans ses histoires, parce que, comparés à eux, les hommes avaient l’air encore pires que ce qu’ils sont déjà.?»

La galerie de portraits et de mémoires que donne à entendre Animals est haute en réflexions, en sensations et en couleurs. Entre 1892 et 2006, un dromadaire dans le bush australien, une chatte dans les tranchées françaises, des chimpanzés en Allemagne, un chien en Pologne, une moule aux USA, une tortue dans l’espace, une éléphante au Mozambique, un ours en Bosnie-Herzégovine, un dauphin en Irak et un perroquet au Liban, vivent leurs dernières heures sur fond de conflits armés. Outre la mort et la guerre, ces animaux ont en commun d’avoir connu l’errance, d’avoir aimé les humains et d’en avoir été plus ou moins aimés, ignorés, négligés ou maltraités, pour ensuite finir leurs jours dans l’exil et dans une profonde solitude.

Rattachant directement ou indirectement à de grands écrivains (Colette, Tolstoï, Kafka, Flaubert, Woolf, Barnes, Plath, Hughes), les animaux auxquels elle donne la parole, Ceridwen Dovey s’applique à en décrypter les tempéraments et le langage. L’auteure, d’origine sud-africaine et résidant en Australie, se fait la porte-parole de ces éternels oubliés de l’Histoire. Elle tente de capturer le regard qu’ils poseraient sur eux-mêmes, sur leur condition animale, sur les humains et sur les circonstances par lesquelles leurs destins respectifs s’entrelacent.

Chacune de ces dix nouvelles s’apparente à une fable plus moderne que contemporaine dans la mesure où le style de Dovey, ou sa transcription en français, peine à imposer une véritable empreinte même si la sensibilité de sa voix est au rendez-vous. La densité des phrases flirte avec la pesanteur. Seul le dernier récit du perroquet lors de la guerre de 2006 au Liban offre une écriture plus aérée qui s’émancipe de la superposition des contraintes apportées par les références historiques et culturelles, la dimension de réflexion critique et celle fantastique de se mettre dans la peau d’un animal. Certaines nouvelles semblent presque davantage destinées à un public jeune.

Il reste que ces fables sont touchantes par leur dosage réussi d’humour noir, de douceur, de passion, de cruauté, de subversion et de douleur. Dovey ainsi rappelle que les hommes ne sont pas les seuls habitants de la terre ni les uniques dépositaires de la vie mais qu’ils en sont probablement les véritables gardiens. Dans Animals, celles et ceux qui font preuve d’attachement, d’empathie, d’altruisme, de clairvoyance, d’intégrité et de sagesse sont les animaux


 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
Animals de Ceridwen Dovey, traduit de l’anglais (Australie) par J. Zemmour et M. Colombier, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2016, 288 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166