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Charles Dantzig ou la haine de l’homophobie


Par Jean-Claude Perrier
2015 - 12
Charles Dantzig est l'une des figures incontournables du milieu littéraire parisien. Écrivain et éditeur chez Grasset, il s'occupe d'autres auteurs, dirige la collection de poche maison « Les Cahiers Rouges » et, depuis l'année dernière, la revue de littérature annuelle Le Courage et la collection éponyme, où deux titres sont déjà parus. Lauréat de plusieurs prix littéraires importants (Décembre, Jean Giono, Roger Nimier, prix de l'essai de l'Académie française…), il est aussi membre du jury du prix Décembre et du prix Jean-Freustié. Brillant, érudit, il ne recule pas devant la polémique. Mieux : il la revendique. Il nous parle de son dernier livre : Histoire de l'amour et de la haine, qui a reçu le prix Transfuge du meilleur roman français 2015.
 
Histoire de l'amour et de la haine est un livre formellement atypique où se mêlent épisodes narratifs, citations, aphorismes, passages théoriques, réflexions personnelles…

Le roman linéaire est une aberration logique parce qu'il n’est pas conforme à la vie. La vie ne ressemble pas à une narration successive. Je ne crois pas à l'idée de successivité. Le temps n'existe pas. Les romans archaïques ressemblent à la tragédie antique, ce sont des romans théâtraux. Mon livre est plus dans la vie.

Pourquoi avoir pris le « mariage pour tous » comme sujet de ce roman ?

J'ai choisi l'histoire du mariage pour tous, plus exactement la lutte contre cette loi, parce qu’elle révèle nos contradictions et que la liberté dont nous nous réclamons est relative. Les manifestations de colère et de haine contre la loi ont rassemblé une coalition de circonstance : catholiques intégristes, musulmans et juifs traditionalistes, fachos… On a assisté au retour du Moyen-âge !
 
Vous mettez en scène sept personnages qui se croisent, se mêlent, de façon fragmentaire, dans un contexte précis…

En toute modestie, pour ce livre, j'avais une étoile, un modèle, Guerre et paix, de Tolstoï, qui raconte comment l'invasion d'un pays rejaillit sur des vies humaines. Mes personnages sont un peu des symboles, fortement caractérisés. Il y a Anne, dont la beauté est vécue par elle comme une malédiction ; Pierre, l'écrivain qui n'écrit plus et qui essaie de ne pas tomber amoureux de Ginevra, son admiratrice italienne (le personnage m'a été inspiré par le regretté Bernard Frank) ; Armand et Aaron, les deux gays qui vivent en couple ; Ferdinand, le jeune gay amoureux de Jules, son copain hétéro, et qui souffre le martyre d'être le fils du député Furnesse, une brute vulgaire, homophobe, l'un des meneurs de la contestation... L’homophobie est une des formes les plus dangereuses de la haine. Dans la littérature, il n'y avait pas jusque-là d'homophobe. C'est chose faite !

Êtes-vous satisfait du lancement de votre revue Le Courage, dont le premier numéro est paru en avril dernier ?

Il s'est vendu à 4 000 exemplaires en kiosques. Je crois que nous vendrons 10 000 du deuxième numéro, à paraître en avril 2016 ! C'est un livre à plusieurs collaborateurs, sur un thème donné, de tous horizons et de toutes langues. Ainsi, dans le n°1, figurait la dessinatrice libanaise Zeina Bassil. Elle nous a donné un portrait assez osé de la vie beyrouthine…

C’est une ville que vous connaissez bien !

Oui, et c’est une ville que j'aime : c’est la capitale d'un pays compliqué qui réussit, malgré tout, à conserver son esprit de finesse et de moquerie !




 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
Histoire de l'amour et de la haine de Charles Dantzig, Grasset, 2015, 476 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166