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Editorial
Banana republic


Par Alexandre Najjar
2016 - 05
Se plaindre (nak) est devenu notre sport national. Car rien ne va plus dans ce pays : nos larrons sont en foire et les scandales se multiplient : ordures, alimentation, blé, électricité, réseaux Internet, FSI, prostitution, drogue… au milieu de l’indifférence de nos institutions, inféodées à nos dirigeants. La découverte de ces scandales n’est pas fortuite : quand les brigands ne s’entendent plus sur le partage du butin, le gangster floué se plaît à dénoncer ses complices ! En 1904, dans son recueil de nouvelles Cabbages and Kings, l’écrivain américain O. Henry a parlé pour la première fois de « banana republic » pour décrire un régime politique fortement corrompu. Qu’on le veuille ou non, le régime libanais est devenu une république bananière ou, plus exactement, un « machin (dans le sens que De Gaulle donnait à ce mot en parlant de l’ONU) bananier », puisque la « République » libanaise est désormais à l’article de la mort, privée de président, de gouvernement digne de ce nom et de parlement actif. Quel horizon espérer dans ces conditions ? Le sursaut populaire est improbable en raison de l’allégeance de nos concitoyens aux partis au pouvoir ; nos politiciens sont des « culs en béton » inamovibles qui, même en cas de décès, seront remplacés par madame, le fiston ou le gendre ; nos électeurs, atteints d’AER (Alzheimer électoral récurrent), reconduisent les mêmes députés oisifs et ratés, quand ceux-ci ne se reconduisent pas eux-mêmes ! Le Hezbollah, pour sa part, persévère dans son Étatcide – projet dénoncé par le général Aoun lui-même au lendemain du 8 mars 2005 : « Le Hezbollah cherche à remettre en cause la notion même de l’État et cela est inacceptable… Nous n’avons pas besoin d’une force de sécurité paramilitaire ou d’une armée parallèle. » (L’Orient-Le Jour du 9 mars 2005, p. 5). Onze ans après, le constat du Général n’a pas pris une ride. Sauf que le Général lui-même reçoit aujourd’hui à la figure le boomerang de son alliance avec ce parti qui, sauf surprise, ne votera jamais pour lui parce qu’il souhaite toujours, en sabotant la présidentielle, « remettre en cause la notion même de l’État ». Fallait-il donc perdre onze ans – onze ans ! – pour enfin se rendre à cette évidence et revenir à la case départ ?

Le salut du Liban est entre les mains de ses saints. En attendant un miracle, participons allègrement aux municipales. Admirons donc cet arbre chétif qui cache la forêt. Rongeons l’os que nos seigneurs ont daigné nous jeter. Et donnons-nous l’illusion d’être en démocratie alors que nous sommes en mafiature.

 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166