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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Une 21e édition prometteuse
Depuis 1992, le Salon du livre francophone de Beyrouth, organisé par le Syndicat des importateurs du livre en coopération avec l’Institut français, est devenu un événement culturel majeur au Liban. Expositions, rencontres, tables rondes, signatures seront au rendez-vous de cette manifestation considérée par le président du Syndicat, Sami Naufal, comme « un lieu de rencontre où la francophonie est reine » !

Par Alexandre Najjar
2014 - 11
L’attribution du prix Nobel 2014 à l’écrivain Patrick Modiano, six ans seulement après la remise de ce même prix à Le Clézio, illustre bien la vitalité de la littérature française trop vite enterrée par ces pleureurs qui se lamentent sur « le suicide français ». Le Salon du livre francophone de Beyrouth, prévu du 31 octobre au 9 novembre 2014, tous les jours de 10h à 21h, est déterminé à « surfer » sur cette vague d’optimisme en proposant à ses cent mille visiteurs, malgré l’instabilité et la sinistrose qui minent le pays du Cèdre, des manifestations de qualité et des raisons de garder l’espoir dans l’avenir de la culture au Liban.

Les thèmes majeurs du Salon 
 
Après « Les mots de la liberté », « Les mots de la Méditerranée » et « Les mots des autres », le Salon se place en 2014 sous le thème : « Des mots, des histoires ». Les histoires, ce sont bien sûr celles auxquelles nous invitent les romanciers et qui enrichissent l’univers de chacun, mais aussi les scénaristes et illustrateurs de bandes dessinées. Les histoires, ce sont encore ces récits collectifs que construisent les communautés et les nations. Les histoires, ce sont enfin les histoires qu’on lit ou qu’on écoute, enfant, l’appropriation confiante des mots, le tissage d’un récit, qui construit une personnalité… Moment crucial (et cruel) dans l’histoire de l’humanité, la Grande Guerre fait l’objet de deux tables rondes : « La Grande Guerre au Liban : récits historiques et littéraires, avec Nayla Aoun Chkaiban, Samir Khairallah et Antoine Boustany, table ronde modérée par Youssef Mouawad et, « Penser la Grande Guerre, 100 ans après 14-18 », avec Henry Laurens, Ulrike Freitag, Salim Tamari, Eugène Rogan et Carla Eddé, table ronde de l’IFPO modérée par Eberhard Kienle… La presse sera également à l’honneur puisque le Salon accueille cette année la rencontre du réseau des directeurs de journaux francophones du monde arabe. Co-organisée par l’Organisation Internationale de la Francophonie et l’Institut Français du Liban, cette rencontre comprendra deux tables rondes avec les responsables de presse invités et des critiques littéraires libanais ou français.

Les invités étrangers
 
Cette année encore, le Salon accueillera de grands noms de la littérature française, comme Didier Decoin, secrétaire général du prix Goncourt, auteur, entre autres, d’un Dictionnaire amoureux de la Bible et d’un Dictionnaire amoureux des faits divers (éditions Plon) ; Sorj Chalandon, lauréat du prix Goncourt 2014 pour Le Quatrième mur (Grasset) dont l’action se passe au Liban ; Éric Reinhardt, auteur d’un roman passionnant : L’amour et les forêts (Gallimard), qui figure sur les listes de la plupart des prix de la rentrée littéraire ; Marc Lambron, romancier, critique et membre fraîchement élu à l’Académie française ; Josyane Savigneau, critique célèbre au quotidien Le Monde, qui vient de publier un livre d’entretiens avec Philip Roth ; Charles Dantzig, directeur littéraire aux éditions Grasset et auteur, entre autres, d’un brillant essai intitulé À propos des chefs-d’œuvre ; Rachid Boudjedra, auteur d’un audacieux Printemps (Grasset) ; Richard Millet, romancier de talent et polémiste controversé (Chrétiens jusqu’à  la mort) ; Baptiste Rossi, auteur chez Grasset de La vraie vie de Kevin ; la journaliste Sofia Amara, auteur de Infiltrée dans l’enfer syrien (Stock) ; sans compter l’historien Henry Laurens, le politologue Jean-Paul Chagnollaud, l’économiste Jean-Marc Daniel, ou encore le spécialiste du chéhabisme, Stéphane Malsagne, qui s’est basé sur le journal du père Lebret pour publier chez Geuthner une Chronique de la construction d’un État : Journal au Liban et au Moyen-Orient (1959-1964), et, dans un tout autre registre, le footballeur Lilian Thuram, champion du monde en 1998, qui a récemment publié Mes étoiles noires aux éditions Philippe Rey. D’autres auteurs, en provenance de France, de Suisse, de Belgique, du Canada ou de Roumanie seront également au rendez-vous. 

Les Libanais : valeurs sûres et débutants
 
Au niveau de la littérature libanaise, on assiste à une véritable « invasion » d’écrivains, certains confirmés, d’autres débutants. Ces derniers, trop nombreux, ont-ils leur place dans un salon du livre ? Leur présence atteste en tout cas de l’attrait des écrivains en herbe pour la langue de Molière ! Parmi nos valeurs sûres, cette année, Vénus Khoury-Ghata, Percy Kemp, auteur d’un essai intitulé Le Prince et de nouvelles savoureuses, publiées dans L’Orient Littéraire et réunies sous le titre Histoires courtes ; Hyam Mallat, auteur d’un essai intitulé Le Liban : émergence de la liberté et de la démocratie au Proche-Orient ; Georgia Makhlouf, qui a à son actif Les Absents, ré­cemment récompensé par deux prix : le prix Senghor et le prix Ulysse ; Ezza Agha Malak (L’homme de tous les silences), sans compter les jeunes auteurs, comme notre collaboratrice Ritta Baddoura et Diane Mazloum (Beyrouth la nuit chez Stock). Quatre auteurs libanais de renom seront également à l’honneur dans le cadre du Salon : Toufic Youssef Aouad, dont le fameux roman Al-Raghîf (Le Pain) vient de paraître en français, dans une traduction de Fifi Abou Dib ; Saïd Akl, sujet du livre du poète Henri Zoghaib, également traduit en français, et Salah Stétié qui publie ses Mémoires aux éditions Robert Laffont sous le titre L’Extravagance et Khairallah T. Khairallah (1882-1930), traducteur, poète et réformateur méconnu, présenté par Samir Khairallah  dans une biographie parue chez Geuthner.

Libraires et éditeurs d’ici et d’ailleurs
 
Les grandes librairies libanaises seront toutes au rendez-vous et accueilleront les 200 signatures prévues au programme. Les éditeurs francophones ne sont pas en reste : ils proposent plusieurs nouvelles parutions dans le cadre du Salon. On en citera : les éditions de L’Orient-Le Jour qui publient un livre de Michel Touma sur l’histoire du journal ; Tamyras, qui publie cette année, outre son agenda traditionnel intitulé 365 jours pour des week-ends de rêve au Liban, le recueil Beirut Book de David Hury et Haricots & co, un album de voyage dans lequel Claude Chahine Shehadi et Maria Rosario Lazzati partagent recettes méditerranéennes et souvenirs ; L’Orient des Livres qui sort La télévision mise à nu de la journaliste May Chidiac, les Histoires courtes de Percy Kemp, Syrie, la révolution orpheline de Ziad Majed, Le pain de Toufic Youssef Aouad (en coédition avec Actes Sud) et des entretiens avec Saïd Akl ; les éditions Noir sur Blanc qui publient les ouvrages de Bélinda Ibrahim (Liban : conte d’un été meurtrier), Nicole Saliba-Chalhoub (Black-out), Saïd Ghazal (L’âme moire), Sylvie Mouradian (Bribes de rien… et de tout), Hoda Kerbage (D’outres années) et trois ouvrages de Claude el-Khal (dont Quelque part à Beyrouth), sans oublier les éditions de la Librairie Antoine qui publient un bel album de Rolla Ghosn et deux livres spirituels de Charles Najjar. Quant aux éditions Dergham, elles proposent Le vin et l’ivresse dans les littératures arabe et française de Victor Hachem, Drôle de visite du Musée National de Beyrouth d’Annie Doucet Zouki, La montagne bleue de Mireille Raffoul Sleiman, Liban, la petite histoire de Loulou al-Akl Khoury, Arrêts sur image de Georges Rubeiz, Les jetons-monnaie du Liban de Hagop Kazazian et Gilbert Bou Fayssal, ainsi que les Mémoires de Nayef Maalouf, ancien directeur général du Ministère de l’Éducation de 1962 à 1992 (Je me souviens). Plusieurs éditeurs libanais arabophones comme Dar As-Saqi, Dar Onboz, Dar Oueidat Arab Scientific Publisher ou Dar al-Farabi seront enfin présents pour exposer, entre autres, leurs livres traduits du français. 

Parmi les éditeurs étrangers, il convient de saluer la présence des éditions du Cerf, de Geuthner, Droz, Les Belles Lettres, Vrin qui offrent des ouvrages d’excellente facture ; celle du Syndicat national de l’édition (SNE) qui assure la promotion des livres d’art et des beaux-livres ; celle du stand Wallonie-Bruxelles qui regroupe des éditeurs wallons et bruxellois qui déploient leur production dans tous les créneaux, du livre d’enfant aux ouvrages juridiques, scientifiques et techniques ; et celle d’une vingtaine d’éditeurs suisses représentés par l’Association Suisse des Diffuseurs, Éditeurs et Libraires (ASDEL).

Enfin, plusieurs institutions, comme le Ministère libanais de la Culture, qui nous promet cette année un stand beaucoup plus riche que d’habitude, l’AUF, l’IFPO, l’ESA, l’ALBA, la Mission Laïque Française/AEFE, ASSABIL, la Congrégation des sœurs des Saints-Cœurs, l’USJ, l’USEK, l’UPA, l’Association francophone de journalisme, etc. seront au rendez-vous.
  
Mobilisation de la famille francophone 
 
Aux côtés de la France, plusieurs pays francophones participent activement au Salon. La Suisse célèbre ainsi l’œuvre de Guy de Pourtalès, grande figure de la Grande Guerre, et organise une table ronde le vendredi 7 novembre à 17 heures sur « La neutralité suisse à l’épreuve de la guerre », présentée par Antoine Messarra, avec la participation de Stéphane Pétermann, auteur de Guy de Pourtalès, Journal de la guerre 1914-1919, et de l’ambassadeur de Suisse au Liban, François Barras. De son côté, le Canada invite la romancière Joanna Gruda (L’enfant qui savait parler la langue des chiens, paru aux éditions Boréal), alors que la Roumanie invite le romancier et dramaturge Virgil Tanase, ancien directeur de l’Institut culturel roumain de Paris, pour sa biographie de Saint-Exupéry (Gallimard). Quant à la Belgique, elle convie Françoise Rogier, lauréate du prix Québec/Wallonie Bruxelles de littérature de jeunesse en 2013 pour son ouvrage C’est pour mieux te manger. On regrettera toutefois l’absence des pays du Maghreb et d’Afrique noire qui gagneraient à participer au Salon pour mieux mettre en valeur leurs auteurs et leur littérature…

La Corse à l’honneur
 
L’été dernier, la Corse a rendu hommage, à Ajaccio, à la littérature libanaise. Reconnaissant, le Liban accueille à son tour l’Île de Beauté, présente à travers une délégation menée par Mychele Leca et composée de deux auteurs : Jean-Noël Pancrazi, écrivain et critique de renom, membre du jury du prix Renaudot, et Jean-Baptiste Prédali, journaliste et auteur de romans (dont Nos anges) publiés chez Actes Sud. Deux rencontres « corses » sont au programme, modérées par Albert Dichy : « L’identité ouverte » et « Quitter son île ? ».

Expos et tables rondes
 
Plusieurs expositions sont prévues au Salon, dont une exposition de photos de mains d’écrivains réalisées par Hannah Assouline, et une exposition à propos du tombeau d’Alexandre le Grand, sur le stand de L'Orient Le-Jour, autour de la bande dessinée : Le tombeau perdu d’Alexandre le Grand de Gilles Kraemer (vernissage le lundi 3 novembre à 16 heures). Un Village des arts sera proposé pour la première fois : dix-sept éditeurs français s’y regroupent pour proposer une vaste sélection de beaux-livres. La presse lithographique qui s’y trouvera permettra aux visiteurs de s’initier à la gravure.

Chaque jour, des entretiens avec les auteurs invités et plusieurs conférences et tables rondes se succéderont dans l’Agora ou dans les salles A et B prévues à cet effet. Les rencontres nous parleront de violence, de politique, de sport et discrimination (Lilian Thuram), de traduction, de la Syrie, de la Méditerranée, de gastronomie ou d’architecture, et donneront la parole à de nombreux écrivains, journalistes et spécialistes. L’Orient Littéraire organise, pour sa part, une table ronde intitulée « Culture et barbarie », à laquelle participeront les auteurs du 100e numéro spécial publié par le supplément. Et parce que la poésie ne doit pas être considérée comme le parent pauvre de la littérature, une soirée poétique réunira Vénus Khoury-Ghata, Ritta Baddoura, Yvon le Men, Hyam Yared et le slameur d’origine camerounaise Marc-Alexandre Oho Bambe, présentés par Georgia Makhlouf. En outre, Salah Stétié lira ses poèmes à l’occasion de l’hommage qui lui est rendu et des extraits montrant Saïd Akl déclamant ses propres textes seront diffusés dans le cadre du lancement de la traduction du livre qui lui est consacré. 

Prix et concours
 
Comme la plupart des Salons du livre, le Salon de Beyrouth est l’occasion de proclamer les résultats de plusieurs prix et concours, comme le Prix Goncourt-le Choix de l’Orient, le Prix Phénix de littérature, le Prix Ziryab, qui couronne le meilleur livre de gastronomie, le Prix des Jeunes critiques, le Prix de poésie « Nadia Tuéni », le prix littéraire des lycéens, sans compter le concours « Itinéaires humanistes », le concours d’affiches pour les lycéens « Des mots, des histoires », la dictée de l’UFE en partenariat avec Clairefontaine, et le concours Air France Liban-Tamyras : « Qui ira à Paris ? »…
  
Jeunesse et bande dessinée
 
Parmi les 90 événements prévus autour du thème des jeunes (Voir l'article « Jeunesse » en page II), on citera une rencontre ayant pour sujet : « L'évolution de la littérature jeunesse dans le monde arabe » avec la participation d’Isabelle Grémillet, Mathilde Chèvre, et Tania Hadjithomas Mehanna, suivie d’une animation pour enfants : « La légende du colibri » par le graphiste suisse Denis Kormann. Côté bande dessinée, la librairie Stéphan recevra Émile Bravo (auteur de la série Jules) et Clément Baloup (Les aventures de Mong Khéo), alors que le scénariste Gilles Kraemer présentera son album au stand de L’Orient-Le Jour. 

Sur le plan local, notre collaborateur Mazen Kerbaj publie chez Tamyras Un an - Journal d'une année comme les autres qui réunit 382 dessins exposés au salon de l’an passé et traitant de sujets aussi divers que les voyages à l'étranger, les soirées dans les bars de Beyrouth, la guerre civile en Syrie et les « incidents » au Liban et dans la région, alors que Noura Bedran et Rebas signent deux albums bien ficelés qui reconstituent l’histoire du Liban aux éditions Arcane qui publient aussi la traduction en arabe par Lara Rabah du Chat de Philippe Geluck – un véritable tour de force ! Quant à Ralph Doumit, il nous offre Les chroniques illustrées de l'Alba (1937–2012) qui retrace par les bulles l’itinéraire de l’institution. 

Malgré un contexte difficile, ce 21e Salon du livre francophone de Beyrouth est très prometteur. Aux visiteurs et lecteurs de l’honorer de leur présence pour bien démontrer que la barbarie n’aura jamais raison de la culture au Liban !


 
 
Jean Rolin, 2006 par © Hannah Assouline
 
2020-04 / NUMÉRO 166