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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai



Par Henry Laurens
2019 - 08


Cet ouvrage se présente comme un recueil de onze études vaguement présentées dans l’ordre chronologique de l’histoire romaine. Le but premier est de montrer combien l’imaginaire occidental depuis la Renaissance a réinvesti cette histoire en en faisant une source d’inspiration dans les domaines littéraires et artistiques. Chaque étude fait tout aussi bien le point sur ce que l’on connaît d’après les sources antiques et sur quels usages en ont été faits ces cinq derniers siècles. Évidemment l’exhaustivité est impossible et ces onze études pourraient être considérées comme des démonstrations de ce qui pourrait être fait de façon plus systématique. Le lecteur voit ainsi se succéder le viol de Lucrèce, Salammbô, Spartacus, la mort de César, les proscriptions, l’éros romain, la Rome antique de Fellini, Hadrien, Titus Andronicus, Héliogabale, la décadence romaine.

Ces textes se lisent agréablement tout en étant la démonstration d’une érudition sans frontière de genre, allant de la littérature antique jusqu’aux séries télévisées. Si on prend le cas de Spartacus, on part de la récente série télévisée pour aborder plus globalement Rome à la télévision, puis les péplums des origines à Gladiator en passant par la bande dessinée. On revient ensuite aux sources antiques avec la critique historique qui les accompagne. On s’aperçoit qu’il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour qu’un auteur dramatique français fasse de Spartacus le héros de la liberté, ce qui justifie le recours à la violence. Ce thème est repris dans l’Italie du XIXe siècle avec des références à Garibaldi tandis que Marx en fait le vrai représentant du prolétariat antique. Puis ce seront les Spartakistes de la révolution allemande avortée de 1919. Lénine en fait une sorte de héros de l’Union soviétique. En revanche, Arthur Koestler s’en sert pour faire une critique du stalinisme mais le communiste américain Howard Fast reprend l’idée du héros de l’émancipation. Le tout alimentera le Spartacus de Kirk Douglas. Aujourd’hui, Spartacus est passé du rang d’icône révolutionnaire à celui de produit de consommation. 

Cet ouvrage rappelle combien la peinture européenne du XVe au XVIIIe a constitué un répertoire antique assez stéréotypé tandis que la peinture d’histoire du XIXe siècle a cherché à s’appuyer sur des connaissances archéologiques de plus en plus précises. Le péplum cinématographique du XXe siècle découle directement de cette peinture qui comprend aussi tout un volet orientaliste qui a connu la même reproduction.

On ne peut qu’être d’accord avec l’auteur?: l’Antiquité, en plus d’être faite de la même étoffe que les songes, est un miroir dans lequel les sociétés occidentales se plaisent à se contempler depuis des siècles. Elle est également un écran noir sur lequel ces mêmes sociétés projettent leurs préoccupations passées et présentes, ainsi que les fantasmes qui les taraudent, y compris les plus intimes.

Là où j’aurais un désaccord, c’est quand l’auteur limite sa perspective à ce répertoire. Si l’Antiquité se trouve vécue au présent comme toute histoire, on ne peut la limiter à cette mythologie. La philosophie et le droit en sont la démonstration. La civilisation arabe et islamique s’alimente des sources grecques sans se revendiquer de Rome et de sa mythologie, ce qui met en relief la différence des répertoires. 

Ce qu’il faut souligner c’est l’agrément de cette lecture qui relie entre elles des éruditions si diverses.

 
 
BIBLIOGRAPHIE 
Rome réinventée, L’Antiquité dans l’imaginaire occidental de Titien à Fellini de Jean-Noël Castorio, Vendémiaire, 2019, 437 p.

 
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166