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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
Quel avenir pour l'Algérie ?


Par Antoine de Tarlé
2019 - 06


L’histoire récente de l’Algérie est beaucoup plus complexe et tourmentée que celle de ses deux voisins, le Maroc et la Tunisie. Après une longue et douloureuse guerre d’indépendance (1954-1962), le pays a subi un régime autoritaire soutenu par l’armée puis, après un bref retour à la démocratie, une interminable guerre civile opposant le pouvoir aux islamistes (1992-2000). Cette année, le départ précipité du président Bouteflika, en place depuis 1999, a ouvert une nouvelle période d’agitation et d’incertitudes.

Akram Belkaïd, journaliste au Monde diplomatique et collaborateur de TV5, s’est efforcé, avec succès, de cerner les différents aspects d’une réalité algérienne qui est bien difficile à analyser pour un observateur extérieur, en raison de l’opacité du pouvoir. Pour cela, il pose une centaine de questions, portant sur tous les aspects de la vie d’un pays de 40 millions d’habitants, qui est un acteur important de la vie internationale en raison de sa position géographique proche de l’Europe et au cœur du Maghreb.

L’auteur évoque d’abord l’histoire de l’Algérie, royaume berbère à l’origine, soumis à des influences arabes, turques et enfin françaises. Il rappelle aussi l’étonnante évolution de l’Algérie indépendante, ralliée à partir de 1962 à un socialisme proche du modèle soviétique puis progressivement soumise à la montée en puissance des courants islamistes. La guerre civile, ce qu’on a appelé les années noires, a montré la force de ces courants qui ont suscité une véritable renaissance de l’islam à partir des années 80. La corruption généralisée et les échecs économiques du régime ont aussi contribué à nourrir le mécontentement de la population qui s’est tournée vers le FIS (Front islamiste du salut) en 1992, provoquant une réaction brutale de l’armée et des services de renseignement et la mise hors la loi du parti islamiste.

Le livre est loin de se limiter aux sujets politiques. Il traite aussi des différents aspects de la société. Une jeunesse partagée entre son profond attachement au pays et son désir de partir pour échapper à un système sclérosé et sans perspectives. Il est vrai que les données démographiques et économiques sont plus que préoccupantes. Tout d’abord, la fin des années noires a été marquée par une remontée des naissances, contrastant avec le ralentissement constaté au Maroc et en Tunisie ; on estime que la population pourrait s’élever à 50 millions en 2022 alors que le pays a un déficit d'infrastructure et que l’économie ne suit pas. Les gouvernements successifs marqués par la corruption n’ont jamais pu en effet tirer parti de la rente pétrolière et investir efficacement dans l’industrie. Il en résulte un chômage massif des jeunes et une dépendance totale aux exportations de gaz et de pétrole puisque le pays doit importer massivement les biens de consommation faute d’une activité manufacturière dynamique comme c’est le cas en Tunisie. En revanche, l’auteur rappelle que, contrairement aux idées reçues, l’agriculture se développe et satisfait environ 60% des besoins du pays.

Dans ce climat étouffant, la vie culturelle peine à s’exprimer. Les auteurs algériens se font éditer en France. La musique est très vivante et populaire mais elle est violemment critiquée par les religieux. Il en va de même pour le cinéma. Les réalisateurs de talent sont trop souvent contraints de se réfugier dans l’ancienne métropole.

Dans ces conditions quel est l’avenir de ce pays à la fois potentiellement riche et déchiré par une crise latente ? L’auteur a terminé son livre avant la décision de départ de Bouteflika mais il apporte un éclairage informé et pertinent sur le présent et l’avenir. Il montre bien que le système Bouteflika ne pouvait plus durer en raison de l’état de santé du président paralysé et impotent. Il souligne le mécontentement de la population sceptique face à une classe dirigeante dominée par les militaires et les services de renseignement. L’Algérie est désormais à la croisée des chemins et devra accepter de profonds changements. Il reste à savoir si ce pays tourmenté et divisé se tournera vers plus de démocratie ou rappellera au pouvoir les mouvements islamistes. Akram Belkaïm évite de trancher mais souligne l’influence croissante de la religion.

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE 
L’Algérie en 100 questions d’Akram Belkaïd, Taillandier, 2019, 314 p.
 
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166