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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
La terre, métaphore du monde


Par Stéphanie Jabre
2006 - 12


« Toute vie s’en va du printemps vers son hiver. Pour entrer dans le mystère de ce mouvement qui ne cesse pas, j’interroge les silences et les rares confidences des hommes de ma famille. » Avec Les vignes de Berlin, Daniel Rondeau nous plonge dans le monde de son enfance en Champagne. Sa naissance est, dès la première phrase du roman, placée sous le signe du père : le narrateur raconte la jeunesse de ce dernier, sa participation à la Seconde Guerre mondiale, ses trois ans de prison dans un stalag, son mariage, sa mort. Mais il raconte aussi les étés de son enfance, qu’il passe chez ses grands-parents, baigné dans l’univers des vins et des vendanges, ce qui lui permet d’évoquer alors une autre histoire, celle de son grand-père maternel, injustement accusé de collaboration. Ces petits récits permettent à l’écrivain de nous dire l’essentiel sur ses origines, tout en mêlant aux histoires contemporaines de sa famille la participation de sa région à l’histoire de France : l’arrestation de la famille royale lors de la fuite à Varennes, les rapides passages de rois, de reines ou de soldats, la révolution de 1789. Ce qui unit tous ces éléments disparates, c’est la terre, cette région de Champagne que Rondeau transforme en un thème majeur du roman. Elle lui permet de mélanger les époques, de suivre un fil « spatial » plutôt que chronologique pour dire sa vie. Et cette technique lui permet de rassembler ainsi, en des lieux uniques, passé, présent et futur : « Ma terre n’est pas une prison, seulement le lieu qui s’imprègne en moi comme métaphore du monde. »

C’est sur cette terre, justement, que le narrateur, encore enfant, découvre la joie des sensations dans les branches d’un arbre, dans l’eau  fraîche d’un ruisseau, dans la lecture de ses auteurs préférés, notamment Giono et Camus. Ces sensations, il les raconte dans un chapitre qu’il intitule Les vignes de Berlin, comme pour bien marquer l’importance de cette terre et de ses paysages dans le déroulement du récit. Car ses premières découvertes, si précoces, de la nature et du monde sont celles qui feront plus tard du narrateur un écrivain. Déjà, à l’école, et dans une rédaction, il est amené à raconter les vignes de Berlin. Si la terre natale est un lien entre passé et présent, l’enfant qui rédige son devoir rejoint l’homme qui écrit, bien plus tard et sur le même thème, un roman. « D’avoir mêlé ma voix à la prose du monde, dit-il, je me sens deux fois vivant. »

Roman de l’enfance calme et de l’adolescence tourmentée, de la famille et de la révolution, de Champagne et de Paris, le livre de Daniel Rondeau retrace, à travers ses épisodes les plus marquants, l’histoire de l’écrivain et raconte ainsi la naissance de sa vocation. L’auteur choisit de raconter les grands événements de son existence, loin des détails de la vie quotidienne. Il nous donne un roman passionnant qui nous entraîne à sa suite dans sa région, au cœur de sa famille, avec ses amis. Par sa plume, Daniel Rondeau a réussi à les sortir  de « la nuit des humbles ».


 
 
© Olivier Roller
 
BIBLIOGRAPHIE
Les Vignes de Berlin de Daniel Rondeau, Grasset, 2006.
 
2020-04 / NUMÉRO 166