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Essai
Sueurs froides en Europe


Par Samir Frangié
2014 - 07
L’Europe sous la menace national-populiste est un livre habité par la rage, « la rage de voir la France perdre ses repères et l’Europe sa mémoire ».

Le titre du premier chapitre, qui s’intitule d’ailleurs « J’enrage » résume bien l’état d’esprit de l’auteur, Jean-Chritophe Cambadélis, premier vice-président du Parti socialiste européen et directeur de campagne du Parti socialiste aux dernières élections européennes. 

Pour lui, l’extrême-droite qui se développe sur les thèmes du racisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme et de l’islamophobie n’est pas une réplique des fascismes des années 30, mais une « libanisation ». Il s’explique : revendiquer la « préférence nationale », demander la purification culturelle et exiger que les « Français de souche » soient supérieurs aux « Français de papier », c’est créer les conditions d’une guerre civile entre les communautés.
 
Le tableau qu’il dresse de la situation en Europe est encore plus catastrophique. Après la guerre de 14-18 et celle de 39-45, une troisième catastrophe est en marche. Son nom : l’europhobie, « la maladie mentale de l’Europe ». Celle-ci pourrait conduire à un éclatement de l’Europe qui entrainerait non pas le retour des nations, mais la décomposition des États.

Le paysage qu’il décrit est effrayant : un nationalisme économique en Allemagne focalisé contre « les fainéants du Sud », un néo populisme aux Pays-Bas et un séparatisme belge orientés contre l’immigration et l’Islam, une extrême-droite autrichienne qui recueille désormais le tiers des votes et qui ne se contente pas d’être islamophobe, mais cultive aussi la nostalgie du nazisme, des mouvements d’extrême droite particulièrement agressifs en Suède où l’on recense mille agressions à caractère racial par an, une coalition de droite au Danemark qui a adopté la politique d’immigration la plus restrictive d’Europe, de « Vrais Finlandais » dont l’idéologie repose sur l’hostilité aux migrants et le chauvinisme social et qui forment désormais la quatrième force politique d’un pays qui n’en avait jamais compté que trois.

En Europe de l’Est, la situation est tout aussi dangereuse : un « Mouvement pour une meilleure Hongrie » qui revendique l’héritage de l’amiral Horty et du parti des Croix Fléchées, formation nazie que a brièvement occupé le pouvoir dans les derniers mois de la guerre, un parti, Ataka, en Bulgarie dont le chef appelle à « transformer les Tsiganes en savon », un Mouvement national en Pologne qui prône la sortie de l’Union européenne.

Dans les pays du sud de l’Europe, le constat est également négatif : une Ligue du Nord qui prône le fédéralisme fiscal voulant appliquer à l’Italie du Sud ce que la droite nationaliste allemande applique à l’Europe du sud, un Parti Populaire en Espagne que dirige José Maria Aznar qui a inclus des éléments du franquisme dans son idéologie, un affaiblissement de la droite traditionnelle en Grèce au profit d’un parti d’extrême-droite, Aube dorée de tendance néonazie.

Comment expliquer cette modification du paysage politique dans toute l’Europe ? Par la xénophobie d’un monde occidental qui constate qu’il a perdu son hégémonie sur le reste de la planète et par la « peur de la mondialisation, la hantise du déclassement national et la perte de maitrise de son propre destin ». 

Pour l’extrême-droite, l’essentiel des problèmes, du chômage, à l’insécurité, à la pauvreté ont pour source la mondialisation. Elle appelle, pour y faire face, à un enfermement identitaire et mobilise ses troupes sur le thème de la haine du mélange et de l’altérité.
Cambadélis place ce changement en cours dans un cadre plus vaste. Il parle d’un passage qui s’est fait, après le discrédit du communisme, de la « passion égalitaire » dont parle Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique à l’obsession identitaire qu’il faut désormais analyser comme « l’obsession de ce début du XXIe siècle ».

L’ouvrage se termine toutefois sur une note d’espoir. La solution est dans « l’enjeu méditerranéen » devenu un espace essentiel pour l’Europe à l’heure de la mondialisation. La France est la mieux placée pour jeter les bases d’une véritable coexistence culturelle débouchant sur une coopération renforcée en Méditerranée. Mais, note Cambadélis, il faut choisir : on ne peut pas avoir le communautarisme en France et la paix en Méditerranée. Il conclut : Nous ne pouvons nous permettre de rater ce rendez-vous avec l’Histoire. L’Euroméditerranée est l’avenir de l’Europe, comme l’Europe actuelle fut l’avenir du Marché commun.


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
L’Europe sous la menace national-populiste de Jean-Chritophe Cambadélis, Archipel, 2014, 78 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166