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Poésie
Michèle Gharios : « Où irons-nous alors »


Par Antoine Boulad
2017 - 12


La poésie de Gharios exprime son amour et son attachement profonds pour le Liban sur lequel elle fonde son identité et sa parole claire et cristalline. Cependant, peut-on rester amoureuse d’un pays où l’on est « captif » ? Où l’on est lassé et déçu ? Éconduite, cette dernière ne se laisse pas abattre, malgré tout. Elle garde quand même espoir bien qu’elle soit pour l’heure « cette déroutée » qui erre sur « la cime des questions ». « Qui suis-je ? » « Un pays… c’est quoi ? »

Ce pays, « ange » déchu, qui « devient Gulliver » et dont « l’air est irrespirable » ; ce pays que l'auteure « borde comme un enfant malade » et que les « vandales » recouvrent d’un « épais linceul » ; ce pays meurtri, en proie au « chaos » ; ce pays où du soleil ne demeurent que des « débris » ; ce pays dont le « fleuve noir » recueille les « eaux viles » et qui a « désappris à chanter »…

Tels de nombreux autres, le poème intitulé Embellie sur commande a pour démarche celle du recueil dans son ensemble. Il débute par « Dans mon pays ». Rien d’étonnant puisque ce recueil a le Liban pour fondement et axe fondateur. Ensuite, viennent la déchéance et la peau de chagrin : « De moins en moins... », « se fait rare », « agonie »... Enfin, dans un troisième temps, on assiste à l’avènement de « l'espérance » que la poésie tisse quand même, « plantée » dans « le territoire des mots » comme l’écrit dans la préface Nayla Tamraz.
Parce qu’un attachement aveugle et inconditionnel ne serait pas de l’amour. Un attachement qui n’irait qu’en pays de « Nostalgie » ne serait pas un voyage. L’amour a les yeux ouverts ; il est lucide et c’est « la conscience du monde ». Les mots de Michèle Gharios ont les yeux ouverts. Sa poésie dénonce « la terre sénile », fustige « le sol jonché de carcasses (qui) respire la mort ». Sa poésie a les mains ouvertes et généreuses. Comme un enfant montre ses paumes à ses parents en leur demandant de voir qu’elles sont propres. 

« Quel poids vaudrait la fierté de mon hâle/ devant celui des plaies du monde / (…) le jour où le mot fin s’affichera sur l’écran / de la conscience du monde ? »
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE 
Nous n’irons plus en nostalgie de Michèle M. Gharios, Noir blanc etc., 2017, 83 p.

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166