Par Ritta Baddoura
2016 - 01
Sil existe des fleurs. Le titre aux tons lyriques et sucrs rvle nanmoins une voix sobre exprimant fidlement ce que lui dicte le regard. Un regard sensible aux mouvements visibles et invisibles. Dans la simplicit des vers une inquitude ronge lme. Une tristesse se dcante. Le pome sgrne sans masques.
?la terre prend quelque chose/ que nous cherchons encore/ la remuer pour remonter le meilleur?.
?un ruisseau coule au fond des corps/ les traverse de bas en haut/ leau se teinte mesure?.
La voix potique qui domine les morceaux de Sil existe des fleurs a le silence ple du calme aprs la tempte dchainement des lments, chasse impitoyable, guerre rageuse. Dans cette accalmie, la peur persiste, ainsi quun espoir solide et veill?: une victoire sur le noir est possible et coexiste avec la fatalit de savoir la mort imminente. Emprisonns, bombards, dports, inonds, expulss, apatrides, destitus, assassins, emports, avals ou clous sont celles et ceux dont Ccile Guivarch narre la dcomposition.
Omniprsences de leau et du ciel sont linceuls ouverts pour tant de cadavres. Omniprsence de la catastrophe. La violence des hommes, la douleur quils infligent et suscitent, apparaissent comme fondues dans un quilibre innocent avec la nature tour tour bienveillante ou foudroyante. lheure o ce qui fait lhumain devient une nbuleuse que ne sonde aucune lumire, oiseaux, animaux, arbres, fleurs et hommes se tiennent dans une proximit solennelle.
?les animaux courent devant/ pour ne pas tre tus/ aussi des hommes/ courent autant/ ils restent chauds/ aprs leur dernier souffle?.
?les morts saccrochent les uns aux autres/ partagent la tnacit darracher leurs poumons lair/ pour se taire tout fait?.
Une pousse qui est une sorte deffort continu, tendue entre un lan ascendant et une chute grave et profonde. Baignant dans un halo de douceur, telle est lcriture de Ccile Guivarch dans Sil existe des fleurs. Quoique de puissance et de rsonance ingales, ses pomes impriment dans lesprit du lecteur un mouvement sapparentant la danse. Cette danse reste calme et invisible. Elle porte le recueil de bout en bout dans une pudeur qui persiste.