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Poésie
Une nostalgie intarissable


Par Antoine Boulad
2007 - 06


La récente parution de La Revenante aux éditions Voix d’encre constitue une excellente opportunité pour découvrir ou redécouvrir un des poètes essentiels de la poésie libanaise contemporaine d’autant que, établie à Paris depuis plus de vingt ans, Nohad Salameh a déserté ce côté des rives de la Méditerranée.

Mais elle revient. Elle revient «?se mêler à sa propre naissance?». Et c’est dans «?la maison des absents?», «?sur une colline du Mont-Liban?», saisie d’une «?nostalgie intarissable?»?que s’opère ce retour comme une «?épiphanie?» poétique.

Ce recueil se fait appréhender avec immédiateté parce que la poésie habite les mots qui le composent et parce que l’auteur parle à son père et à sa mère, «?convives de pierre?», en leur absence «?dans l’imposture du temps?», essayant de les «?soustraire à la canine éternité qui ronge leur chair morceau par morceau?».

«?Si vous n’êtes nulle part, du moins occupez-vous le point central de mon désir, retranchés hors la vie à seule fin de transcender cette distance qui nous lie.
Il n’est plus d’hier ni de lendemain dans le temps sans durée de la mort?! Vous demeurez si proches par la douleur qu’au banquet des ténèbres nous nous embrassons sans nous toucher.?»

Ainsi, la mort est au cœur de chacun des poèmes de ce recueillement, «?une mort virtuose?» qui construit l’écriture avec ses césures et les «?rimes internes de la poussière?»?; une mort comme une méditation poétique sur le sentiment de la mort, sur la sensualité de la mort qui mue en poème d’amour.  «?Je touche tendrement votre voix de mes doigts?». Poème d’amour et de compassion envers les parents, la mère «?qui se tricote un châle de neige?» et le père dont l’auteur «?tisonne les crépuscules qui ont creusé les joues?»?; amour et compassion sans lesquels le poète qui «?revient tenir compagnie à ceux qui dorment les mains nouées sous les jardins de l’épouvante?» n’aurait pas remonté «?à tâtons le sentier de mémoire?», jusqu’à mêler au fond des miroirs, la naissance et la mort, les premières et les ultimes nudités...

L’écriture de Salameh se rapproche parfois de celle de Schéhadé?:
«?Si vous revenez un soir
Tels ceux-là qui jouent à cache-cache entre les vignes
Abandonnez vos yeux de vitrail
Au fond du puits assoiffé des églises
Puis égarez votre paresse parmi les arbres,
Pères et mères des fruits.?»?

Mais la poétesse s’éloigne radicalement du maître du vers unique en ce sens que La Revenante est un poème élégiaque, un chant de deuil et d’amour que nulle autre qu’une femme n’aurait su écrire.

Ce recueil est d’ailleurs visité par une autre Revenante. Comment en effet ne pas saluer?Nadia Saïkali qui manque à Beyrouth où elle n’a pas exposé depuis bien longtemps?? L’artiste a choisi d’y créer neuf œuvres dont la texture impalpable de tissu effiloché et de volumes farouches, évoque «?l’abstrait labyrinthe où cesse la géographie?», les «?parfums de vivants?» et le «?désir de présence?».

Signalons enfin que Nohad Salameh publie un deuxième livre où elle rend hommage à sa ville natale, «?Ville diagonale, perchée à la fourche du soleil?». Intitulé Baalbek, les demeures sacrificielles, ce livre bilingue dont le texte arabe est assuré par Antoine Maalouf paraît aux éditions du Cygne.

 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
La revenante de Nohad Salameh, éd. Voix d’encre.2007, 80 p.
Baalbeck, les demeures sacrificielles de , éd. du Cygne. 2007, 100 p.
 
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