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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poésie



Par A. B.
2007 - 10



Avec Le promeneur et ses ombres, le lecteur se laisse séduire par le tempo régulier, la partition musicale et savante où chaque morceau est à la fois un espace clos mais sans enfermement, rigoureusement construit, cependant respirant la vie?; où chaque poème d’une métrique bien rythmée, de treize à seize vers, par un jeu subtil d’enjambements hardis, se ferme sur lui-même sans s’isoler pour autant, s’inscrivant dans un chant général et mélodieux de la terre, dans un poème continuel qui «?circule dans le sang où des mots d’amour se préparent?» pour comme un cantique pastoral de la liberté.

On imagine Richard Rognet franchissant «?le seuil de la maison où il n’a pas su vivre?», rentrant de sa promenade quotidienne durant laquelle il rassemble marguerites, bugles et hortensias dans les jardins de la terre, dans les champs de la vie, afin de coucher sur le papier des mots qui «?portent en eux une douceur jamais conquise?», des «?mots rivières, des mots bienveillants que ses lèvres ne sauront prononcer?», consignant dans ces poèmes toute l’ampleur de la nature et ses saveurs d’ombres et de lumières…

«?Regarde sous le jour
sous le sable, sous
la cendre, regarde
tous ces visages
qui n’en sont qu’un.?»

Le recueil de Richard Rognet assène un démenti définitif à la prétendue illisibilité de la poésie d’aujourd’hui. Si difficulté il y a, c’est celle de faire silence en soi. Silence qui mue en écoute délicieuse de mots habités d’eux-mêmes.
Car il s’agit d’apaisement, d’assouvissement, de présence.
La terre s’ouvre. Le chemin est lisible. La fenêtre s’ouvre. Le jour est calme. Le sourire sauve du monde. Les visages triomphent de l’abîme. Le poème est lisible comme le regard. Toutes les portes sont ouvertes sur l’horizon. L’enfant est protégé. Les ombres sont limpides comme des baisers.
«?Tu as des étoiles
plein la bouche
tu chahutes avec
le ciel, tu glisses
entre les nuages.?»

Le pays que la poésie de Rognet habite est léger comme un souffle. La nature n’y est point romantique mais s’apparente à la philosophie orientale où la présence au monde est pleine, où les mots du poème sont pleins?; où l’homme s’inscrit dans le temps de vivre comme la nature dans les quatre saisons?; où ce promeneur dans le souvenir et dans le futur, croise son ombre à la lumière avec une «?inquiète élégance?».

Car rien ne sépare l’homme de la nature, ni la mort ni la mémoire. «?Ni la douleur de s’en aller sans nom, sans visage.?» Le soir brûle sur l’étang, il brûle aussi dans ses artères. Et l’homme va «?vivre de l’abîme en soi?».

 

 
 
© C. Hélie / Gallimard
 
BIBLIOGRAPHIE
Le promeneur et ses ombres de Richard Rognet, Gallimard, 2007, 127 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166