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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Roman



Par Edgar Davidian
2018 - 09

Elsa Morante fut une femme de tête, mais aussi une romancière prodigieuse et la lumière (trouble?!) d’un des plus grands écrivains italiens et européens. Même si cet amour fut chargé de toutes les contradictions, les paradoxes, les hystéries, les querelles, les rejets et, pour tout dire, d’une certaine perversion relationnelle. Avec, cependant, un pan pathétique tant les êtres avaient désespérément et viscéralement besoin l’un de l’autre.
 
Aujourd’hui paraît sa biographie romancée, signée Simonetta Greggio, sous le titre Elsa mon amour. Ce n’est pas le premier livre sur la vie controversée de l’auteur de La Storia, car il faut compter avec le magistral ouvrage de René de Ceccatty aux éditions Tallandier qui rétablit l’ordre et les rôles dans cette houleuse affaire qu’était le mariage entre Alberto Moravia, écrivain antifasciste et inconstant, et Elsa Morante, femme de lettres et séductrice, figure de proue d’un féminisme qui revendiquait liberté d’agir et de penser, réfractaire aux normes étriquées des parcours formatés.

Née à Rome en 1912 dans le quartier populaire du Testaccio, Morante est décédée après une vie de soixante-treize ans jalonnée de rencontres (Pasolini, Fellini…) et de fabuleux voyages, de l’Espagne à la Russie en passant par la Chine et les États-Unis, mais marquée par le drame de vivre et les douleurs de la séparation. Elle a nourri son œuvre de ce parcours d’écorchée vive, ponctuant ses textes d’images fulgurantes, déchirantes, et d’une musique particulière de poétesse absolue. Le suicide n’était pas une option virtuelle pour cette femme à la passion incandescente, conflictuelle et souvent autodestructrice. Écrire fut la grande affaire de sa vie puisqu’elle a signé quatre romans (dont le best-seller La Storia, publié en 1974 après un silence de dix ans, et porté à l’écran par Luigi Comencini), cinq nouvelles, deux recueils de poésie et une pièce de théâtre, avec des consécrations littéraires retentissantes dont le Prix Médicis étranger 1984 (pour Aracoeli), le Prix Viareggio (pour Mensonges et Sortilèges) et le Prix Strega (pour L’Île d’Arturo). Son mariage en 1941 avec Alberto Moravia allume le feu des rumeurs. Le couple est anticonformiste, confronté à des querelles homériques, plus uni par la littérature que par l’amour?; il se séparera vingt ans plus tard au terme d’une relation orageuse et farcie d’aventures de part et d’autre des conjoints, mais sans jamais divorcer.

Simonetta Greggio se glisse dans la peau de son personnage et nous restitue, sous la forme d’un roman intime et sensuel aux courts chapitres émaillés de fragments de journaux, de poèmes et de lettres, la frémissante sensibilité d’une femme qui ne connut pas les interdits et qui fut capable de tout confesser et déballer avec une désarmante candeur. Merveilleuse Elsa à travers ce livre dont on savoure chaque mot, chaque virgule, chaque silence?!


 
BIBLIOGRAPHIE 
Elsa mon amour de Simonetta Greggio, Flammarion, 2018, 237 p.

 
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166