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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Roman
Le destin singulier de Lawrence d’Arabie


Par Zéna ZALZAL
2006 - 11

Avec son keffieh sur la tête qui faisait ressortir le bleu de ses yeux, sa tenue de cheikh arabe rehaussée d’un poignard d’or à la ceinture, ses exploits dans le désert, ses médailles et ses mystères, Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le surnom de Lawrence d’Arabie, était devenu, de son vivant – et à son corps défendant –, une icône. Sa mort brutale, en 1935, dans un accident de moto, à l’âge de 46 ans, va le figer dans la légende. Celle d’un homme énigmatique et ambigu, tout à la fois militaire, espion, écrivain, nomade, fou de vitesse et surtout de liberté... La quintessence du héros romantique des temps modernes.

En s’attaquant à cette figure mythique, les frères Poivre d’Arvor (PPDA et son cadet, Olivier, romancier et diplomate) ont intelligemment évité l’écueil du roman d’aventures, largement traité aussi bien en littérature qu’au cinéma (le film Lawrence d’Arabie de David Lean reste une référence), préférant aborder, avec subtilité et émotion, sa vérité intime.

S’inspirant de faits réels mais aussi d’une palpable empathie avec ce personnage complexe, tourmenté et insaisissable, cet être « de mirages, de reflets, d’images déformées »,  les deux auteurs racontent dans Disparaître l’ultime échappée d’un solitaire qui passa la majeure partie de sa vie à fuir : sa famille, ses origines, la gloire... jusqu’à se fuir lui-même. « Trop de décalage entre soi, son image et l’image que l’on s’était faite de soi », déplore celui qui fut baptisé « le roi sans couronne ». Agonisant, à la suite d’un accident de moto, il revient, par un long monologue intérieur, sur son parcours : son enfance grise et déjà marquée par l’exode, sa fascination pour la chevalerie, les voyages, le désert, ses aventures, la gloire, la traque des paparazzi, les désillusions, l’exigence intérieure insatisfaite, le besoin de mortification... Sept jours d’agonie. Sept jours durant lesquels, dans son coma, le colonel Lawrence va dévider le fil des souvenirs. Les émotions, les chagrins, les rancœurs, les sentiments refoulés, les désirs réfrénés... À son chevet, Alicia, l’infirmière, qui entretient un lien étrange avec le mourant. Puis, son frère cadet Arnold, son préféré parmi la fratrie des cinq « vermisseaux », le seul et l’unique confident. Enfin, Sélim, le fils de Dahoum, l’ami arabe à qui il a dédié son œuvre majeure Les sept piliers de la sagesse. Et, convoquées par le souvenir, deux silhouettes aimées : celles d’un homme et d’une femme.

Bien construit, bien écrit, d’un style à la fois vif, poétique et touchant, Disparaître de Patrick et Olivier Poivre d’Arvor réussit, en dépit d’un sujet  « viril », à séduire autant les lectrices que les lecteurs. Et à nous offrir un témoignage passionnant sur la singularité des destins.

 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
Disparaître de Olivier et Patrick Poivre d’Arvor, Gallimard, 2006, 324 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166