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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le roi oublié


Par Lamia EL-SAAD
2007 - 11
De la Révolution française, nous avons retenu la Déclaration des droits de l’homme et… la guillotine. En vérité, l’histoire a occulté bien des événements et des personnages secondaires. Le jeune Louis XVII est, entre tous, celui dont personne ne voulut se souvenir. En effet, si les livres sur Louis XVI et Marie-Antoinette – que l’on n’en finit pas de réhabiliter – se sont succédé, l’enfant du Temple fut passé sous silence. C’est à ce jeune orphelin, captif, manipulé, humilié, malade et agonisant que Christophe Donner consacre son dernier ouvrage. Et qui dit victime dit bourreau. Il était sans doute si commode d’imputer à la Révolution les souffrances et la mort de ce dauphin courageux et résigné, mais derrière la responsabilité collective se cache le véritable persécuteur de l’enfant : Jacques-René Hébert. Écrivain favori des sans-culottes et directeur du Père Duchêne – le journal le plus scandaleux et le plus célèbre de la Révolution –, il s’acharnera sur la famille royale prisonnière au Temple, soulevant contre elle l’opinion publique ; et mettra tout en œuvre pour maintenir en prison l’enfant dont personne ne voulut sceller le destin. Malgré les tentatives de rétablissement de la monarchie, aucune décision ne fut jamais prise à son endroit : ni celle de le tuer ni celle de le libérer.

Donner confie le soin de nous conter l’histoire à l’un de ses protagonistes, Henri Norden. Cet écrivain à la recherche d’un succès qui lui échappe entreprend d’écrire le scénario d’un film sur l’enfant du Temple. Et le voyage dans le temps que Donner nous propose n’est autre qu’un incessant aller-retour entre la fin du XVIIIe et le début du XXIe siècle ; entre l’histoire de Louis XVII et celle de Norden qui épouse Dora, une journaliste… libanaise.

Décalage de temps mais pas de style. L’action du XVIIIe est rapportée avec le vocabulaire ordurier des révolutionnaires, et celle du XXIe siècle est relatée avec un langage familier et souvent argotique. Donner, qui nous offre une « interprétation révolutionnaire de la Révolution », insiste sur le fait que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est bien née d’un gigantesque bain de sang… Et, comme pour nous mettre en garde et éviter que l’histoire ne se répète inéluctablement, nous rappelle que la Révolution a tué ses propres enfants. L’un des plus illustres étant Robespierre dont l’épitaphe est restée célèbre : « Passant, qui que tu sois, ne pleure pas mon sort car, si je vivais, tu serais mort. »

À n’en pas douter, l’intérêt de ce livre réside dans ce qu’il nous révèle de l’agonie sordide et pathétique d’« un roi sans lendemain » d’une étonnante lucidité qui sut cependant, jusque dans ses derniers jours et ses derniers instants, vivre et mourir en roi. Dernier survivant de sa famille, à la merci du geôlier Simon et de son épouse, anéanti par des douleurs inhumaines, il serait mort le 8 juin 1795 dans son cachot ; conscient de son rang et de ses devoirs, drapé dans sa dignité de roi. Toutefois, le livre de Donner demeure un roman qui n’a ni l’authenticité ni la fiabilité d’un ouvrage historique. L’auteur ne mentionne ni sources ni références bibliographiques. Et pour cause…Le sujet étant, pour ainsi dire, inexploré, il est extrêmement difficile pour le lecteur de faire la part des choses ; à la réalité se mêle sournoisement la fiction. Tant qu’à violer l’histoire, autant lui faire de beaux enfants !

 
 
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est bien née d’un gigantesque bain de sang…
 
BIBLIOGRAPHIE
Un roi sans lendemain de Christophe Donner, Grasset 2007, 378 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166