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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Je t’écris à la plume, je te tends la main


Par Fifi Abou Dib
2018 - 07

Humaniste comme on pouvait l’être à la Renaissance, Gérard Salem est médecin, psychiatre, hypnothérapeute, auteur de six essais, deux romans et un dialogue en dehors de nouvelles parues dans la revue Minuit et de divers écrits et carnets de voyage non publiés. Par ailleurs maître d’enseignement et de recherches à l’Université de Lausanne, cet amoureux de la Chine qui maîtrise le mandarin est co-fondateur de la fondation Ling qui met en comparaison médecine occidentale et médecines dites parallèles, parmi lesquelles la médecine chinoise. Il aussi, entre autres, co-fondateur de la fondation Éthique familiale à Lausanne. C’est à la lumière de ces diverses passions et compétences qu’il faut lire Tu deviens adulte le jour où tu pardonnes à tes parents. Un roman dont le titre est déjà un programme. 

C’est un roman choral, mais il se distingue par une originalité qui, de nos jours, est de taille : tous les protagonistes communiquent en s’écrivant à la main. C’est un psychiatre, Yuri, qui a déclenché ce flot d’encre. Boris, le fils de Lionel et Sophie, qui a refusé de prendre le chemin de la médecine sur le modèle de son père, a rompu ses liens avec sa famille, réussissant brillamment dans la finance. Souffrant d’une maladie auto-immune, il fait face à de nombreux problèmes. Son fils aîné Mathias est en fugue. Tagueur, artiste, mais aliéné par les drogues, il est incontrôlable. Le plus jeune, Léon, a été diagnostiqué Asperger. Sa femme, qui l’a quitté, a obtenu la garde de leurs deux fils. Yuri, qui le traite, le convainc de renouer avec sa famille en écrivant une lettre à ses parents. De lettre en lettre, c’est l’ensemble de la fratrie et des collatéraux qui s’y met : Charlotte et son mari Ernest, Mireille et son mari chinois Liu, Luc, le jeune frère passionné de blues, et même le cousin Edward, fils de Jérôme, le frère de Lionel. Mieux, Sabine, la fille de Charlotte, écrit à son jeune cousin Léon qui, bien que peu réceptif aux signes d’affection, lui répond. 

Au fil des échanges, Boris, que sa mère appelle son duende, ce mot espagnol intraduisible tant il est c   hargé de sens, à mi-chemin entre le lutin facétieux et le génie, voit ses résultats d’analyses s’améliorer. Petit à petit, de nombreuses vérités vont se faire jour, y compris l’origine russe du prénom de Boris et pourquoi pas, malice de l’auteur, celle du prénom de Yuri le psychiatre. La sagesse chinoise, chère à Gérard Salem, apporte par le truchement de Mireille et Liu une couche de baume à la correspondance qui parfois s’envenime. On apprend ainsi qu’en Chine, le mot « crise » s’écrit avec la réunion de deux caractères : « danger » et « opportunité ». Souvent revient, par ailleurs, un vers d’un poème ancien qui dit « Beaucoup de sentiment, c’est comme aucun sentiment ». 

On pourrait craindre le pire, en abordant ce roman épistolaire familial, et surtout ce flot de bons sentiments que tout psychiatre spécialisé en thérapie familiale rêverait sans doute de voir se déverser en bout de parcours. Et le flot est là, le happy end aussi. Mais ce serait mal connaître la finesse de Salem qui livre ici un ouvrage didactique, un manuel du mieux vivre à l’usage des greffés du clavier, un message simple qui encourage chacun, avec beaucoup d’érudition et de références passionnantes, à chercher sa vérité par l’écriture manuelle, celle qui implique le corps et l’esprit et qu’on ne peut effacer sans laisser de traces.

 
BIBLIOGRAPHIE   
Tu deviens adulte le jour où tu pardonnes à tes parents de Gérard Salem, Flamamrion/Versilio, 2018, 256 p.

 
 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166