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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Par Jabbour DOUAIHY
2013 - 09
Après une visite pour le moins dépaysante avec son Facteur des Abruzzes dans une communauté albanaise fuyant la dictature communiste pour s’installer dans une «?malaterra?» italienne, voici Vénus Khoury-Ghata qui poursuit sa curieuse exploration du pourtour méditerranéen, écumant avec La fiancée était à dos d’âne le désert algérien. Elle y accompagne le rabbin Haim parti choisir à dos d’âne une épouse juive pour l’émir Abdul Kader dans la tribu des Qurayzas errants pour leur survie sans s’être concerté d’avance avec l’intéressé… Il jettera son dévolu sur une fille de quatorze ans, Yudah, «?pour son nom, une contraction de Yahuda, et pour ses yeux baissés lorsqu’il l’a regardée?». Avec ces arguments et avec pour seul signe distinctif une tache bleue dans le bas de son dos, prédestinée à plusieurs vies dans une même vie, à un destin «?raide comme la corde de linge qui nous sépare de l’horizon?», la petite héroïne part sous les youyous et le «?cri rouillé à travers une corne de bélier?» pour une équipée des plus fantastiques.

Yudah alias Judith alias Esther, au gré de ses aventures et de ses conversions religieuses et professionnelles, ne verra jamais le prince auquel elle se croyait promise, elle le ratera dans plusieurs étapes de l’exil que lui a imposé le colonisateur français. Après un séjour avec les vaincus musulmans d’Abdul Kader sur l’île Sainte-Marguerite où des religieuses l’accueillent par pitié et la baptisent, elle séduit le frère Dieudonné qui lui donne ses bottes, apprend à lire grâce aux bons soins de sœur Cécile de l’Immaculée Conception réfugiée au monastère par dépit amoureux, et finit par accompagner sur le continent le fiancé enfiévré de Cécile qui échoue à débaucher sa bien-aimée. Yudah, «?convaincue qu’elle n’existe qu’en fonction des êtres qu’elle croise?», fuira Albi, le domaine familial du sieur transi et néanmoins peintre, pour tenter de rejoindre son émir qui laisse derrière lui dans un château de Pau une vieille femme pour veiller sur deux enfants morts. Bientôt, sur une simple question, «?Et quelle est la plus grande ville de France???», la voilà qui monte à Paris où vont se rejoindre à gogo les soulèvements des rues et les épisodes littéraires. Nicolas, le metteur en scène ambulant sous le joug d’un noble mystérieux, l’envoie chez son oncle quémander de l’argent pour jouer Esther, mais Yudah reviendra avec l’argent de… Victor Hugo qui la fait au passage participer à ses tables tournantes en souvenir de sa fille Léopoldine.

Le dernier roman de Vénus Khoury-Ghata se lit avec facilité et un plaisir contagieux, celui-là même qui pousse l’auteure à ne reculer devant aucune métaphore qui se profile dans la destinée de ces êtres bizarres et fabuleux. On se laisse emporter par ses énumérations et sa poésie au risque de piétiner la vraisemblance des périples et des rencontres qui nous imposent des personnages cocasses ou pathétiques, abreuvés d’histoire et de fantaisie.





 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
La fiancée était à dos d’âne de Vénus Khoury-Ghata, Mercure de France, 2013, 176 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166