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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Par May MENASSA
2013 - 05
C’est en aspirant ce concentré de lavande, parvenu dès la première page, des hauteurs de Hawra, que la mémoire des sens m’a ramenée à deux distances du passé. Une distance très lointaine, ombragée de mes souvenirs d’enfance, me ramenant au gré de mes neurones vieillissants à ce village, qui a pris dans le livre de Jabbour Douaihy le nom de Hawra, probablement à cause de ces rangées de peupliers qui longent depuis la nuit des temps le précipice abrupt vers le fleuve de la Qadicha, et une autre distance d’un hier récent que le nom seul de Hawra et les maisons de tuiles rouges m’ont éclairée sur du déjà-lu. Ce titre, Saint Georges regardait ailleurs, ne m’aurait guère renvoyée au magnifique roman de Jabbour Douaihy sorti l’année passée de ses vendanges sous le titre Charid al manazel sans ces petits indices de la première page, parfumés d’un cru qui avait laissé des traces vaporeuses dans mes souvenirs.

La parution de Saint Georges regardait ailleurs aux éditions Actes Sud/ L’Orient des livres m’a vite incitée à me munir de ce nouveau cru pour une tout autre dégustation, pensant que Jabbour Douaihy a inversé le chemin de son écriture puisée dans le terroir en prenant la plume de droite à gauche, ce qui n’est pas étonnant pour ce professeur de littérature française, traducteur et critique à L’Orient Littéraire, plusieurs fois traduit en français.

Pour une passionnée de cette langue, aller dans des cépages nouveaux de ce vigneron qui distille de son encre mille saveurs était une nouvelle façon de déguster le jus de sa vigne. Mais saint Georges m’a vite rattrapée car le cru que j’avais entre les mains était un chemin tout tracé par la traductrice Stéphanie Dujols afin de donner à tous ceux qui n’ont pas eu le plaisir de savourer les beaux ouvrages de Jabbour Douaihy dans leur langue d’origine, l’opportunité de connaître ce Liban dans ses fantasmes, ses différences, ses discordances, ses dissimilitudes, mais que la plume de l’auteur de L’équinoxe de l’automne trempée dans la sève de la patrie possède seule la vertu de ranimer ce dialogue infini avec l’identité.


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Saint Georges regardait ailleurs de Jabbour Douaihy, traduit de l’arabe (Liban) par Stéphanie Dujols, Actes Sud / Sindbad / L'Orient des livres, 400 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166