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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Les archives de L’Orient Littéraire


2007 - 06
À l’occasion de son passage au Liban pour la parution de son livre Retour au pays natal, publié chez Gallimard dans la collection Folio, André Bercoff, qui fut l’un des piliers de L’Orient Littéraire dans les années 60, a bien voulu répondre à nos questions.


Comment avez-vous débuté dans le journalisme ?
Au début des années 1960, je suis allé voir Georges Naccache. J’avais déjà écrit des papiers sur le cinéma pour Alain Plisson. Il m’a pris à l’essai et, au bout de 6 mois, il m’a engagé. Je me souviens que lors de mon premier article publié, j’ai appelé mon père pour lui faire part de ma fierté. Il était très mécontent : « Au lieu de travailler, m’a-t-il dit, tu fais ce métier de saltimbanque ! »

Comment se présentait L’Orient Littéraire dont vous êtes devenu le rédacteur en chef adjoint ?
L’Orient Littéraire (qui avait vu le jour en 1929 grâce à Georges Schéhadé mais qui avait été interrompu dès le 1er numéro pour ressusciter en 1956) était un supplément hebdomadaire paraissant avec le quotidien L’Orient tous les samedis. Il était dirigé par le poète Salah Stétié et pouvait atteindre 16 pages. À l’époque, il n’était pas seulement littéraire : il couvrait aussi la peinture, la musique, le théâtre, le cinéma… Nous organisions même, une fois par mois, une exposition de peinture dans les locaux de L’Orient. Nous avons ainsi exposé les œuvres de Chafic Abboud, Élie Kanaan, Aref Rayes, Paul Guiragossian, etc. L’équipe était formée de 10 à 15 collaborateurs réguliers, mais nous faisions appel aussi à d’éminentes personnalités, comme Jacques Berque, Vincent Monteil, Henri Seyrig, Georges Henein, Boutros Dib, Jamil Jabre…  Des journalistes comme Chérif Khaznadar, Naïm Kattan, Amal Naccache, Claire Gebeyli, Mirèse Akar, ont également collaboré à L’Orient Littéraire.

Vous faisiez aussi appel à des écrivains et journalistes arabophones…
C’est vrai, on publiait beaucoup de textes écrits directement en arabe et traduits en français, comme ceux d’Adonis, de Toufic Youssef Awad, de Youssef el-Khal, etc. Nous jugions nécessaire de ne pas « snober » la littérature arabe en la considérant comme une littérature « à part ».

La littérature française occupait une place très importante dans le supplément. Pourquoi cet engouement ?
Nos lecteurs suivaient avec passion l’actualité littéraire et artistique en France. Je me souviens de l’émotion provoquée à Beyrouth par la mort, à une heure d’intervalle, de Jean Cocteau et d’Édith Piaf. Le refus par Sartre du prix Nobel de littérature a également été au cœur de discussions animées dans les milieux intellectuels libanais… D’ailleurs, de nombreux écrivains français visitaient régulièrement le Liban : François Nourissier, Edmonde Charles-Roux, Jean Paulhan, René Tavernier, Solange Fasquelle…

Et la littérature anglo-saxonne ?
Nous en parlions peu. Nos lecteurs étaient plutôt intéressés par la littérature arabe et la littérature francophone.

Autre absent de taille : la bande dessinée !
C’est vrai. Nous préférions les textes aux images. Aujourd’hui, la BD est devenue omniprésente dans la vie culturelle.

Dans quel état d’esprit étiez-vous à l’époque ?
J’étais enthousiaste. L’Orient Littéraire était très suivi, nous avions beaucoup de réactions positives, les gens venaient nous voir, nous étions constamment sollicités... Il suscitait une réelle « agitation », au bon sens du terme…

La vie culturelle à Beyrouth a probablement contribué à son succès…
Sans doute. Elle était d’une richesse extraordinaire.  Il y avait une multitude de cafés littéraires, le Cénacle libanais, la revue Chiir, d’importantes pièces de théâtre… L’effervescence était permanente !

Pourquoi l’aventure de L’Orient Littéraire s’est-elle arrêtée ?
Salah Stétié a été nommé conseiller culturel à l’ambassade du Liban à Paris et a quitté la direction de L’Orient Littéraire. Je suis resté deux ans au Jour, qui avait été relancé en 1965, puis je suis parti en France pour connaître de nouvelles expériences. J’y ai connu une double carrière d’écrivain et de journaliste.
 
 
 
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