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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici
Tablette grecque


Par Nouri al-Jarrah
2017 - 07

Né en 1956 à Damas, Nouri al-Jarrah vit en exil à Londres depuis 1986. Il y dirige le Centre arabe de littérature géographique et la revue littéraire Damascus. Al-Jarrah a été rédacteur en chef à Beyrouth, Nicosie et Londres pour des revues littéraires et culturelles telles que Fiker, Al-Katiba, Al-Rihla. Depuis son premier recueil paru en 1982, il n’a cessé d’affirmer son univers poétique fortement marqué par son engagement politique durant les années 70 et 80, et par les tragédies politiques et humaines qui déchirent encore l’histoire du Proche-Orient. Une Barque pour Lesbos (Moires, 2016, traduit de l’arabe par Aymen Hacen), dont sont extraits les deux poèmes qui suivent, a été composé par Nouri al-Jarrah pendant l’hiver 2015-2016. Ce poème épique et polyphonique fait des Syriens les nouveaux Troyens et met en scène la poétesse grecque Sappho accueillant et consolant les enfants syriens sur son île Lesbos : « Sappho, toi qui apprends la passion aux jeunes gens, voici les petits amoureux de Syrie venus silencieux à toi,/ légers,/ et leur beauté éclair occupant les fenêtres./ Prépare-leur le banquet/ Et avoue-leur qu’il s’agit de leur dernier repas. »

 

Tablette grecque
(L’invocation de Sappho)
VIII

Syriens mortels, Syriens qui frémissez sur les côtes,

Syriens errants partout sur terre, ne vous remplissez pas

les poches de terre morte, abandonnez cette terre et ne

mourez pas. Mourez dans la métaphore, ne mourez pas

dans la réalité. Laissez la langue vous enterrer dans ses

épithètes, et ne mourez pas pour être mis en terre.

La terre n’a de mémoire que le silence. Naviguez partout et

gagnez le tumulte de vos âmes. Et derrière la tempête et

les dégâts, levez-vous dans toutes les langues, dans tous 

les livres, dans toutes les causes et l’imagination, agitez-

vous dans chaque terre, levez-vous comme l’éclair dans

les arbres.

 

Prière

Pas si vite mon Dieu

Ni à ce moment

Nous grandissons comme Tu le veux

Mais nos mains sont demeurées petites comme Tu les as créées

Elles ramènent des choses et repartent avec d’autres

Dans l’obscurité la plus longue

En éclair

Elles passent par l’eau

Pas si vite ni dans un éclair comme celui-là. 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166