Par Nouri al-Jarrah
2017 - 07
Né en 1956 à Damas, Nouri al-Jarrah vit en exil à Londres depuis 1986. Il y dirige le Centre arabe de littérature géographique et la revue littéraire Damascus. Al-Jarrah a été rédacteur en chef à Beyrouth, Nicosie et Londres pour des revues littéraires et culturelles telles que Fiker, Al-Katiba, Al-Rihla. Depuis son premier recueil paru en 1982, il n’a cessé d’affirmer son univers poétique fortement marqué par son engagement politique durant les années 70 et 80, et par les tragédies politiques et humaines qui déchirent encore l’histoire du Proche-Orient. Une Barque pour Lesbos (Moires, 2016, traduit de l’arabe par Aymen Hacen), dont sont extraits les deux poèmes qui suivent, a été composé par Nouri al-Jarrah pendant l’hiver 2015-2016. Ce poème épique et polyphonique fait des Syriens les nouveaux Troyens et met en scène la poétesse grecque Sappho accueillant et consolant les enfants syriens sur son île Lesbos : « Sappho, toi qui apprends la passion aux jeunes gens, voici les petits amoureux de Syrie venus silencieux à toi,/ légers,/ et leur beauté éclair occupant les fenêtres./ Prépare-leur le banquet/ Et avoue-leur qu’il s’agit de leur dernier repas. »
Tablette grecque
(L’invocation de Sappho)
VIII
Syriens mortels, Syriens qui frémissez sur les côtes,
Syriens errants partout sur terre, ne vous remplissez pas
les poches de terre morte, abandonnez cette terre et ne
mourez pas. Mourez dans la métaphore, ne mourez pas
dans la réalité. Laissez la langue vous enterrer dans ses
épithètes, et ne mourez pas pour être mis en terre.
La terre n’a de mémoire que le silence. Naviguez partout et
gagnez le tumulte de vos âmes. Et derrière la tempête et
les dégâts, levez-vous dans toutes les langues, dans tousÂ
les livres, dans toutes les causes et l’imagination, agitez-
vous dans chaque terre, levez-vous comme l’éclair dans
les arbres.
Prière
Pas si vite mon Dieu
Ni à ce moment
Nous grandissons comme Tu le veux
Mais nos mains sont demeurées petites comme Tu les as créées
Elles ramènent des choses et repartent avec d’autres
Dans l’obscurité la plus longue
En éclair
Elles passent par l’eau
Pas si vite ni dans un éclair comme celui-là .Â