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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici



Par Wadih Saadeh
2017 - 01

Né en 1948 à Chatîn, dans le Nord du Liban, Wadih Saadeh a travaillé comme journaliste à Beyrouth, Londres, Nicosie et Paris avant de s’installer à Sydney, en Australie. Il a publié douze recueils de poèmes dont le style original et puissant et la portée philosophique lui ont conféré une place de choix parmi les plus grandes voix de la poésie arabe contemporaine. Ses recueils sont traduits en français, en anglais, en allemand et en espagnol. Le Texte de l'absence et autres poèmes (Actes Sud, 2010) a reçu le prix Max-Jacob 2011.

 

Autres créatures

De sa brise qui passe naissent des créatures

Aériennes qui n’ont pas de lieu précis

Mais qui occupent tous les volumes

Et prennent toutes les formes.

 

L’espace dompté de lui-même par la vacuité

Créa pour lui les oiseaux,

Et la terre qui contempla longtemps ses déserts jusqu’à créer ses arbres

Abrita ses oiseaux

Plumes invisibles

Et ailes qui n’ont pas besoin d’air.

 

Une terre nouvelle tourne dans son cœur

Dans sa brise de nouveaux passants

Inconnus des chemins empruntés par les vents anciens,

Passants sans forme ni ombre

S’ils voulaient un foyer

Les creux de son souffle

Suffiraient 

À les loger tous.

 

Autre lumière

Sur la haute montagne il ferma les yeux

Il ne voulait pas d’une lumière vieille de milliers d’années sur lui

Il ferma les yeux et descendit

Dans la vallée

Où la lumière du fond ne provient pas du soleil mais

De la contemplation d’une pierre par une autre pierre.

 

L’arrivée

Il se débarrassait d’un objet et faisait un pas

Le lourd fardeau l’empêchait d’avancer

L’empêchait d’arriver, 

Il se débarrassait d’objets posés sur son épaule

Et d’autres dans son corps

Dans son cœur, dans ses yeux, dans sa tête, dans sa mémoire

Et avançait,

Chaque fois qu’il se débarrassait d’un objet, il faisait un pas

Et lorsqu’il fut totalement vide

Il arriva.

 

N’oublie pas l’arbrisseau

N’oublie pas l’arbrisseau

Que tu as planté avant que tu ne deviennes eau,

Féconde-le de ton autre eau

Peut-être que lui aussi aimerait devenir une autre créature

Peut-être qu’il voudrait une descendance autre que celle du premier fruit, accrochée aux branches

Féconde-le de ton eau vive

Peut-être qu’au lieu de fruits il voudrait des enfants qui courent

Et jouent autour de lui.

 

Les arbres aussi ont le désir de marcher et de voyager

Le désir d’une mère d’avoir des enfants

Qui ne meurent pas sur place,

A leurs racines embrasse les arbres de ton autre eau

Et laisse-les sortir de terre

Et marcher.

 

Poèmes traduits de l’arabe par Antoine Jockey 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166