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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici
À Leila


Par Ounsi el-Hage
2016 - 04
À Leila

Il est des morts qui libèrent leurs propriétaires, et je ne te pense pas de ceux-là. L’ange gardien ne retourne que soucieux à ses paroissiens.

Ta mort, par sa pudeur même, présentait des excuses car tu ne voulais, en dépit des douleurs et de la peur, importuner personne. Et ainsi fut ta vie entière. Tu as continué à incarner le sacrifice jusqu’à ma peur de sa grandeur en toi, et je l’ai haï tant il m’a montré l’infamie de mon égoïsme. 

Ô ma seconde mère ! Ma face errante était entre tes mains à ton agonie quand tu posas les doigts avec une grâce infinie sur ma tête et prononças ces seules paroles d’une voix accueillante et consolatrice : « Pourquoi es-tu abattu ? » J’ai pensé alors que tu ne savais pas, ou que tu étais déjà dans un univers de plein ravissement. Maintenant je sais que tu m’as oint la tête de pardon.

Je me dis pour alléger ma peine : peut être t’ai-je mérité un jour par l’amour. Mais quel allégement est-ce quand ma pratique de cet amour échouait à me rendre digne de toi ? J’ai été injuste pour toi comme nul ne le fut avec moi.

Adieu ma compagne, il n’est de plus belle appellation ! Une compagne qui, par sa générosité, a fait croire à son compagnon qu’il est des deux le plus fort alors qu’en réalité il est le faible le plus faible, et rien ne révèle le vrai comme le retrait du Bien emportant sa couverture.

Mes yeux ne quitteront pas ton image à l’heure de la séparation : ton visage était serein comme l’est l’âme du créateur au moment où il sacrifie sa vie pour ses créatures.
Juillet 2014

Traduit de l’arabe par Farès Sassine 
 
 
Ounsi el-Hage par Paul Guiraguossian
 
2020-04 / NUMÉRO 166