Par Khalil Moutran
2008 - 08
Khalil Moutran ( 1869 - 1949), « Le poète des deux contrées » représente la rencontre entre la tradition classique et la modernité culturelle ancrée dans l’expérience occidentale de l’autre. Dans ses longs poèmes d’inspiration nationale, sociale ou lyrique, il a su innover au niveau des thèmes et de l’imaginaire poétiques.
Ô le soir et ce qu’il apporte de larmes
Pour l’amoureux et de leçons pour le contemplateur !
N’est-il point pour le jour l’agonie, et la mort
Pour le soleil, au milieu des funérailles de la lumière ?
Ne fait-il pas disparaître les certitudes et naître
Les doutes dans la captivité des ténèbres ?
N’efface-t-il pas l’être jusqu’à un certain point
Et n’abolit-il pas la configuration des objets
Jusqu’à ce que la lumière les reforme
Et que fasse résurrection le retour du soleil ?
Et tu m’es revenue en mémoire aux adieux du jour
Le cœur entre craintes et espoirs
Et mes pensées paraissaient au-devant de mes yeux
Blessées comme face à moi de sanguines nuées
Et les larmes, de mes cils, rayonnaient en coulant
Illuminées par les lueurs du couchant entrevu
Et le soleil, au crépuscule, versait son or
Sur les grenats des noirs sommets
Déclinant entre deux nuages
Il rejaillissait telle la larme rouge
Comme si l’ultime larme de l’univers
Se mêlait à ma dernière larme pour me pleurer
Et comme si, ressentant mon jour sombrer,
Je voyais en miroir le soir de ma vie !
Poème traduit par Farès Sassine