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Poème d’ici



Par Ounsi el-Hage
2015 - 05

Né en 1937 à Beyrouth, où il est décédé en 2014, Ounsi el-Hage est considéré comme l’un des principaux médiateurs du surréalisme dans le monde arabe, grâce notamment à ses traductions d’œuvres d’André Breton et d’Antonin Artaud, accompagnées de commentaires contextuels et analytiques. Il est l’auteur de six recueils de poésie, de deux volumes d’aphorismes et d’un ouvrage en trois tomes réunissant ses meilleures chroniques de l’actualité littéraire et sociale parues entre 1964 et 1987 dans le quotidien libanais an-Nahar. Une anthologie de ses poèmes, Éternité volante, a été éditée par Sindbad/Actes Sud en 1997. La messagère aux cheveux longs jusqu’aux sources et autres poèmes vient de paraître aux éditions Actes Sud/L’Orient des Livres.

 

La messagère aux cheveux longs jusqu’aux sources 

 

Ô Seigneur, écoute-moi?!

Je viens de son amour.

Les autres m’ont donné un ennemi et je me dressai

Comme un javelot

Ma bien-aimée me brandit arc-en-ciel,

Ils me poussèrent sur la pente obscure

Et ma bien-aimée me fit parvenir au but.

Comme un oiseau, elle m’abrita de l’orage

Elle me révéla depuis le haut du mât

Telle une île pour le guetteur

En haut du mât comme un guetteur, elle cria en moi?:

«?Nous sommes arrivés?! Nous sommes arrivés?!?»

J’ai tissé des liens pour tous avec sa tendresse

Et ils devinrent frères.

J’ai fréquenté les rapaces et les tours de Babel

Ma bien-aimée parut et je devins prière.

Ô ma bien-aimée

Je jure d’être ton jouet et ton vaincu?!

Je jure de chercher à mériter ton étoile sur mon épaule?!

Je jure d’écouter l’appel de tes yeux

Pour désobéir à la sagesse de tes lèvres?!

Je jure d’oublier mes poèmes pour que je te mémorise?!

Je jure de courir derrière mon amour et jure

Qu’il continuera à me devancer?!

Je jure de m’éteindre pour ton bonheur

Comme les étoiles du jour?!

Je jure d’habiter mes larmes dans ta main?!

Je jure d’être la distance entre ces deux mots

«?Je t’aime?! Je t’aime?!?»

Je jure de jeter pour toujours mon corps aux lions de ton ennui?!

Je jure d’être la porte de ta prison

Ouverte sur la fidélité aux promesses de la nuit?!

Je jure d’être la proie de ton ombre?!

Je jure désirer être toujours un livre ouvert sur tes genoux?!

Je jure d’être la division du monde entre toi et toi-même

Pour qu’en toi je sois son unité?!

Je jure de t’appeler pour voir le bonheur se retourner?!

Je jure de porter mon pays dans ton amour

Et le monde dans mon pays?!

Je jure de t’aimer sans savoir combien je t’aime?!

Je jure de partager avec toi mon double, cet ami unique?!

Je jure que ma vie s’envolera

Comme les abeilles de l’essaim de ta voix?!

Je jure de tomber de l’éclair de tes cheveux

Comme une pluie sur les plaines?!

Je jure de crier?: «?Je t’ai trouvée?! Je t’ai trouvée?!?»

Chaque fois que je retrouve mon cœur entre les lignes?!

Je jure de me pencher du haut des sommets de l’Asie

Pour t’adorer pleinement?!

 

Ô nuit?! Ô nuit?!

Porte ma prière

Seigneur, écoute-moi?!

Enracine ma bien-aimée et ne l’arrache pas

Assure-lui des vies qui n’ont jamais été

Étaye-la par ma vie à venir

Garde son feuillage verdoyant

Ne disperse pas ses vents

Garde sa tente en hauteur car sa taille convient aux oiseaux.

Comme un cèdre prolonge ses jours

Pour que les cortèges des petits-enfants

Défilent sous ses mains guérisseuses?! 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166