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Poème d’ici
Petites poupées en bois


Par Safaa Fathy
2013 - 03

Née en 1958 à Minya en Égypte, la cinéaste et poète Safaa Fathy a étudié les lettres arabes, anglaises et françaises. Actuellement directrice de programme au Collège international de philosophie, Fathy a conduit une œuvre entre le poème, le cinéma ou la vidéo. Disciple de Jacques Derrida, elle a travaillé avec lui sur plusieurs films. Fathy s’est intéressée à l’après-11-Septembre et a réalisé en 2011 le documentaire Tahrir lève, lève la voix. Parmi ses recueils de poésie figurent Et une nuit (Le Caire, 1996), Les petites poupées en bois (Le Caire, 1998), Où ne pas naître (Paris Méditerranée, 2002).

 

Petites poupées en bois

 

Dans un vide errant qui reste à créer devant une table en bois achetée l’avant-veille la foire des inventeurs se révolte lorsque je lis le poème de l’événement rocheux. Ainsi parlerais-je aux objets car même Heiner Müller est mort il y a plus d’une année moins des années. Sa machine, ses machines nombreuses tournent, tournent à jamais. Nous verrons son spectre au cinquième jour de ce printemps nôtre à l’heure de l’oraison funèbre où notre sang séché nous est volé grâce aux prières de Satan.

Qu’il te soit donné le bras que tu préfères ou même la blanche dentition qui se cogne

à la tasse ou même encore la vapeur de mon café.

Il est révolu le temps du pardon, de l’aveu.

Il ne te reste qu’à me rendre visite dans les songes,

Chasse une vision... Dis-lui : Va, ne l’oublie pas.

Tu l’as délaissée et la voilà embarquée sur les nefs de la ville.

Soldat au combat j’ai toujours capitulé.

Comme à l’ennemi que le combat te réussisse.

Contre les taureaux ceux-là même qu’un matin tu fis éclater à mon visage.

Des rêves que tu manies comme des petites poupées j’attendrai qu’ils me mènent à ta demeure vers la table où s’entassent les livres de Fiodor Dostoïevski.

Le toit d’une maison d’où suinte le suc des anges

Une feuille abandonnée où tu traces les signes de la pudeur.

Et ce cahier où tu as inventé un nihilisme nouveau.

Il contenait des adresses d’où les noms s’étaient évanouis à Berlin sous une lumière

céleste.

Un talisman ainsi écrit : No Hope No Despair.

*Traduits de l’arabe par Hedi Djebnoun 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166