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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici
L’étudiante


Par Chawqi Abi Chaqra
2013 - 01

Chawqi Abi Chaqra naît à Beyrouth en 1935. Il débute le métier de journaliste en 1960 et est le créateur de la première page culturelle dans le quotidien an-Nahar de la presse libanaise, page qu’il dirigea trente-cinq années durant. Cofondateur en 1956 du groupe littéraire La Pléiade, auteur de dix recueils poétiques, il contribue au renouvellement de la poésie arabe moderne et fut l’un des piliers de la revue Shi‘r pour laquelle il traduira Rimbaud, Apollinaire, Reverdy et Lautréamont. Celui que al-Maghout surnomma « le guide esthétique et linguistique du groupe Shi‘r » publia tout d’abord deux recueils attachés aux nouvelles contraintes de la versification libre avant de signer en 1962 De l’eau pour le cheval de la famille, qui obtint le prix de la Meilleure œuvre poétique attribué par la revue Shi‘r et inaugura une poésie émancipée à la fois des critères de l’école poétique du moment et de l’héritage classique et romantique. Son poème injecté de dialecte libanais et empreint d’humour et de surréalisme cherche, selon les dires d’Abi Chaqra, à se dégager des « bavardages superflus de la poésie moderne ». Abi Chaqra, qui tient depuis 2008 une chronique dans le journal al-Ghawoun, travaille à finaliser la rédaction de ses Mémoires.

 

 

L’étudiante

Dans la montagne des nains

Mon étudiante est une magicienne

Elle s’envola sur son cahier,

Elle s’envola sur son sabot,

Emporta sa craie et sa gomme

Pour écrire « diable »,

Gommer « diable »

Le chasser du royaume de ses tétins,

Pour étudier la géographie.

 

Elle est ainsi entrée dans la capitale des miroirs

Capitale des cierges et des nouvelles

Telle une abeille, égarée, loin de la maison

Elle avait perdu de vue le capitaine ainsi que les mers

Comme on perd une goutte d’huile.

 

La faute

Le soleil est un âne en arithmétique. Il se couche chaque soir et fait la même erreur.

 

Un oiseau

L’amour est un oiseau

Que tu as porté dans la forêt à travers la conscience

Tu as lavé ses griffes dans ton âge,

Secoué son bec, sa petite tête

Et ses cheveux fins comme le silence.

Tu as pensé : « Peut-être méconnaîtrai-je ses voyages »

Tu as voulu le chasser par la fenêtre

Vers l’immensité du temps

Mais, endormi dans tes yeux,

Il s’est déshabillé

Et il ne vole plus.

 

Prendre le frais

Je saute de joie sur un seul pied. Chaque famille m’invite pour engendrer des enfants, pour créer des chevaux qui mènent l’homme sur le vent.

Je trais la chèvre. Je lui donne à manger des tabliers d’écoliers et des rideaux de théâtre. Je la tiens par les cornes, elle s’envole comme une voiture et donne des coups de cornes aux chiens et aux acteurs.

Je suis né jaune à force de boire du miel et de l’encre. Je m’abîme, et Dieu m’aide.

(…) Ma cousine est bergère dans un musée, ma sœur fait du ski, elle traîne les neiges et les sports. Son fils est herbe, ma mère rocher sur lequel je coupe le fleuve.

Je lis la coiffure, les astres et le livre de la magie. Je rencontre les scientifiques et les bergers. J’ouvre la cave pour mon âne. Il donne des coups de pied à la lune, mord les voyageurs, plonge dans l’huile, dans l’olive et dans la tempête. Il est d’acier et de cire. Je l’allume gratuitement pour qu’il brille et éclaire le monde par temps d’éclipse.

 

*Traduit de l’arabe par A. K. el-Janabi et Mona Huerta 

 
 
Marwan Tahtah
 
2020-04 / NUMÉRO 166