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Cuisine
Un banquet chez Ziryab


Par Antoine Courban
2014 - 06
Ziryab, qui veut dire « or » en kurde, est le surnom d’Abu al-Hassan Ali ben Nafi (Mossoul 789 – Cordoue 857), figure de légende de la musique arabo-andalouse et arbitre des élégances et du savoir-vivre de son temps. Nous devons énormément à ce passeur de civilisation et de culture, d’abord en musique mais aussi en littérature, en art du bien-manger, du savoir-vivre et de la haute cuisine. Farouk Mardam Bey, dans son livre La cuisine de Ziryab avait rendu hommage à cette belle figure. C’est ce qui a motivé Noha Baz, elle-même arbitre du bon goût, à prendre l’initiative dès le 5 février 2014, de créer le prix littéraire Ziryab, en partenariat avec L’Orient Littéraire, qui récompensera annuellement un ouvrage en langue française sur la gastronomie vue et vécue comme l’expression la mieux achevée de ce vivre-ensemble qui est la règle du genre humain. Ce prix n’a pas pour intention de récompenser un beau livre de recettes de cuisine, mais une œuvre littéraire sur ce mystère de la créativité humaine qui s’appelle l’art de bien-manger. On s’imagine à tort que le dialogue des cultures et des civilisations est affaire de beaux congrès académiques. On oublie que le vivre-ensemble est surtout une fécondation mutuelle par le biais d’institutions, d’échanges de techniques, de commerce, de mille et un détails qui font que notre monde n’a jamais été un espace fragmenté en territoires étanches. Les arts de la table sont la meilleure preuve de la capacité des hommes à partager leur savoir-faire. Tout exploit en matière de culture culinaire est le patrimoine commun de tous les hommes. 
Le jury de ce nouveau prix littéraire comprend Jack Lang, Michel Rostang, Gaël Orieux, Elie Gharzouzi, Fatema Hal, Farouk Mardam Bey et, bien entendu, l’infatigable Noha Baz. La première édition de ce prix se déroulera en partenariat avec la semaine gastronomique française de l’Albergo et aura pour cadre le prochain Salon du Livre francophone de Beyrouth. Plusieurs ouvrages de haute qualité littéraire et artistique font l’objet d’une sélection rigoureuse dont Venise et Jérusalem de la présente recension qui sera suivie d’autres. Ces deux ouvrages témoignent pour la vérité du bien-manger comme forme supérieure de la rencontre et de la fécondation mutuelle des cultures.

Bien sûr, tout le monde connaît le très élégant et distingué carpaccio du Harry’s bar, ainsi que le succulent foie à la vénitienne ou l’onctueusement caressant riz aux petits pois sans oublier cette grande dame qu’est la crème de morue dite baccalà mantecato, ou encore les milles et une délicatesses qui vous titillent les papilles dans les comptoirs des bàcari, des tavernes et des bars à vin. Mais le Venise de Laura Zavan est avant tout une promenade littéraire dans la Sérénissime, ses hauts lieux mais aussi son histoire, le tout reflété de manière chatoyante au travers de traditions culinaires qui racontent avant tout le charme et le destin de cette cité que Byzance enfanta et qui devint la maîtresse de la Méditerranée et des routes du commerce de l’Orient. De page en page, de courts récits au charme exquis déclinent la cité des Doges. À travers les lignes, Venise s’offre, se donne, met en scène ses derniers charmes de grande courtisane afin de conquérir l’esprit, le cœur mais aussi les papilles du lecteur à qui il ne reste plus qu’à désirer ardemment se rendre dans la cité lacustre qui n’en finit pas d’agoniser au milieu de sa lagune. En attendant de pouvoir réaliser son rêve, le lecteur n’a plus qu’à préparer les recettes culte de la Sérénissime, minutieusement répertoriées et expliquées, et à les savourer en lisant Les villes invisibles d’Italo Calvino où Venise occupe la place prééminente de ville-mère.



 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Jerusalem de Sami Tamimi et Yotam Ottolenghi, Hachette, 2013, 320 p.
Venise : Les recettes culte de Laura Zavan et Grégoire Kalt, Marabout, 2013, 272 p.
 
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