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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le livre de chevet de...
Nagib Aoun
2012-07-05
Parler de son livre de chevet, c’est entrer dans sa propre intimité, c’est réveiller des souvenirs forcément malmenés par les aléas du temps. Évoquer cette lecture implicitement nocturne, puisqu’il est question de chevet, c’est livrer une part essentielle de soi, celle qui remonte souvent à l’adolescence.
Mon livre de chevet, tenez-vous bien, ce sont Les Nourritures terrestres d’André Gide. Une littérature, une poésie, source d’évasion, de curiosité incessante. La célébration de l’attente, du désir brûlant, incandescent qui précède l’accomplissement.
«?Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur… Car, je te le dis en vérité Nathanaël, chaque désir m’a plus enrichi que la possession toujours fausse de l’objet désiré.?»
Nathanaël, à l’époque de mes premières lectures de Gide, c’était moi, bien évidemment, c’est à moi que s’adressait Gide, moi l’adolescent curieux dont les sens s’éveillaient aux premiers émois, qui étais en attente permanente, exacerbée, d’un signe féminin qui attiserait encore plus mon désir, ma recherche de l’inconnu(e). 
«?Que l’importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée?»?: toujours cette ferveur, qui m’a collé à la peau, qui m’a rendu curieux de tout et de rien et qui a déterminé mon parcours ultérieur.
Relire Les Nourritures terrestres, aujourd’hui, c’est me réconcilier avec la part d’adolescence qui reste en moi, c’est en quelque sorte faire mon mea culpa, moi qui rêvais d’une carrière littéraire ou artistique alors que je me retrouve aujourd’hui plongé dans le journalisme politique. Relire aussi des auteurs comme Malraux, Proust ou Aymé, c’est me souvenir des années passées au Lycée français de Beyrouth, de l’enseignement magnifique dont nous a gratifiés alors l’écrivain et critique littéraire Pierre Barbéris, devenu grand spécialiste d’Honoré de Balzac.
Feuilleter Les Nourritures, m’y replonger, c’est redécouvrir la ferveur de l’adolescence, c’est nourrir la curiosité qui n’a pas cessé de me titiller, c’est surtout préserver cette part de puérilité qui n’est que l’attente d’un nouveau départ.
Merci André Gide, merci Pierre Barbéris, cinquante ans plus tard… 
 
 
© D.R.
 
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