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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Au Salon
Decoin, l'homme qui rêve son jardin


Par Georgia Makhlouf
2012 - 11
Scénariste de films à succès et écrivain dont le talent a maintes fois été couronné (dont un Goncourt en 1977 pour John l’Enfer publié au Seuil et qui le fera largement connaître), Didier Decoin revient ici avec une drôle d’autobiographie puisqu’il se raconte à travers les jardins qui ont jalonné sa vie. Depuis le boulevard Richard-Wallace de son enfance où sa chambre surplombait une écurie de chevaux de course et le salon, le bois de Boulogne, en passant par le jardin de Bagatelle où il contracte une passion dont il ne guérira jamais, celle des odeurs, jusqu’aux deux jardins qu’il possède aujourd’hui, l’un dans les Yvelines, l’autre à la Hague, Decoin se livre au travers de confidences qui portent sur les fleurs qui l’émeuvent, les arbres qui le font rêver, les musiques particulières des jardins à l’aube, dans le vent ou sous la pluie. Un jardin en effet, affirme-t-il, « est toujours un miroir ».

Pour réussir son jardin, il importe moins, poursuit Decoin, d’avoir les doigts verts que « l’œil vert », car il faut avant tout « rêver son jardin », et ne concevoir celui-ci qu’à partir d’une vision. « En vérité, la denrée impérativement nécessaire à un jardin, la seule qui lui soit incontournable, c’est l’imagination. » De la promenade émerveillée et parfois nostalgique dans les jardins de sa vie à laquelle il nous convie, on retiendra surtout à quel point le jardinage est « une extraordinaire école de vie ».  On y apprend la patience, la capacité à être surpris tant le résultat dépasse et parfois déjoue les attentes, le désir, et même la spiritualité car « la démarche jardinière la plus humble, la plus triviale, est déjà prédiction : tout jardinier est un prophète ». Mais aussi parce que contempler un jardin est une initiation à la méditation, ce que les Japonais savent depuis fort longtemps. On sera surpris de constater que Decoin rejoint ici Christian Bobin et reprend à son compte son affirmation selon laquelle « le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles ».

Souterrain au départ, le parallèle entre l’écriture et le jardinage s’affirme au fil des pages et s’explicite vers la fin de l’ouvrage. « Le jardinier et l’écrivain ont cette même obsession : couper ce qui dépasse, éclaircir le fouillis, dégager l’essentiel des structures et des coloris. » Tout jardin se déchiffre et, plus encore qu’une série de tableaux offerts au plaisir de nos yeux, il propose en réalité un langage. Bel hommage que rend ici Decoin à son épouse Chantal, car c’est elle qui l’a initié à ce nouveau langage. Et s’il reconnaît n’être sans doute « qu’un jardinier-usager, un jardinier-profiteur, un jardinier-jouisseur », du moins a-t-il le désir de vieillir dans son jardin, car lorsqu’il s’y trouve, il ne se sent jamais vieux. Jardiner lui aura appris la sérénité.

 
Didier Decoin au Salon
☛ Annonce de la 3ème sélection de l’Académie Goncourt et évocation des 4 livres en lice pour le Prix : le 30 octobre à 17h (Agora)
☛ Conférence « Un Goncourt dans le monde du cinéma » : le 31 octobre à 17h (Agora)
 
 
D.R.
« Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles »
 
BIBLIOGRAPHIE
Je vois des jardins partout de Didier Decoin, JC Lattès, 235 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166