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Muhsin al-Amine : un clerc chiite du Liban-Sud pionnier de la réforme


Par Haitham el-Amine
2009 - 12
Voici un nom devenu synonyme de réforme. Dans les études relatives à l’histoire moderne du chiisme au Liban et ailleurs, il est présent comme une figure pionnière de l’innovation mesurée non seulement dans le domaine religieux (les rites de la ‘achoura), mais aussi dans les domaines social, pédagogique, littéraire, poétique et historique.

Né en 1867, Muhsin al-Amine fait ses études dans les écoles religieuses du Jabal Amel (actuel Liban-Sud). Il prend ensuite la direction du Najaf, le centre universitaire et culturel du chiisme en Irak, comme il est de tradition pour les ulémas chiites de l’époque. Il y passe dix années à étudier, mais aussi à enseigner. Le cursus traditionnel était réparti sur trois niveaux et groupait, outre des études religieuses et d’autres relatives à la langue arabe, la logique, la philosophie, l’histoire et bien des sciences profanes. Il en sort avec le titre de « mujtahid », c’est-à-dire celui qui induit les préceptes de la loi divine à partir des sources-fondements du fiqh.

En 1901, il quitte Najaf pour Damas où il est appelé par la petite communauté chiite de la ville. Il y réside en tant que chef spirituel. À peine installé, il engage les réformes le long de trois axes. Il note à ce propos dans son Autobiographie : « J’arrivai à Damas à la fin du mois de Chaabane 1319 alors que l’automne se terminait. Je me trouvai confronté à des problèmes – les pires des maux – qu’il fallait absolument traiter si je voulais réformer la société. Le premier était l’analphabétisme et l’ignorance totale (…) Le deuxième était la situation de mes frères de Damas que j’ai trouvés en train de se quereller, divisés en deux camps et même en plusieurs (…) Enfin, le troisième problème concernait les séances de lamentations où on lisait des récits non authentiques, ainsi que des pratiques qui se déroulaient au mausolée attribué à Zeinab la cadette (…) comme se frapper la tête et le corps avec une épée ou un couteau et autres actes répréhensibles. Ces pratiques étaient devenues telles des coutumes, d’autant plus difficiles à éradiquer qu’elles revêtaient les atours de la religion. »

Pour venir à bout de l’illettrisme et aller plus loin que les rares écoles coraniques à la manière ancienne, Muhsin al-Amine crée, en 1902, dans le quartier qui portera son nom, une école de garçons (al-Muhsiniyya) et, quelques années plus tard, une école de jeunes filles (al-Yussufiyya) : deux événements marquants non seulement pour ce quartier de Damas, mais pour toute la communauté chiite des wilayet de Syrie de l’époque. Ces deux réalisations révèlent la priorité accordée au souci éducatif, car al-Amine pensait que l’ignorance était le pire des maux dont souffrait sa communauté.

« Pour ce qui est du problème de l’esprit partisan qui régnait entre les fils de notre communauté et des querelles qui les divisaient, il fut résolu grâce à une seule attitude, une disposition que j’ai, mais que je méconnaissais et dont je ne connaissais pas les effets, à savoir l’équité envers les gens et l’impartialité à l’égard des différents groupes. Cette disposition est dans ma nature, je n’ai pas eu à la forcer. » Cette phrase détient les clefs d’un caractère, d’une attitude de l’esprit et du cœur et d’un style fait principalement de simplicité.

La troisième réforme engagée concerna les rites observés de la ‘achoura et lui valut les foudres de ses pairs qui l’accusèrent d’être un omeyyade, lui le pionnier du réformisme chiite.
Muhsin al-Amine était un auteur prolifique et chacun de ses multiples ouvrages compte des pages nombreuses allant le plus souvent de 500 à 800. Son corpus majeur, A‘ayan alchi‘a (Les notables chiites), atteint près de cent gros volumes. Il a lui-même répertorié son œuvre sous les rubriques suivantes : Histoire, Traditions, Dogme, Ussul al-fiqh, Fiqh, Syntaxe, Morphologie, Rhétorique, Répliques et critiques, Récits de voyage et Publications diverses.

À sa mort le 30 mars 1952, il eut droit à des obsèques nationales au Liban et en Syrie, à présent deux pays indépendants.

Allier la modernité à la tradition dans la tolérance et l’absence de l’esprit de parti ou de clan, tel est le message de ce réformiste, grand éducateur et grand historien.



 
 
© An-Nahar
 
BIBLIOGRAPHIE
Muhsin al-Amin : Autobiographie d’un clerc chiite du Gabal ‘Amil de , traduction et annotations par Sabrina Mervin et Haïtham al-Amine, Institut français de Damas, Damas, 1998.
 
2020-04 / NUMÉRO 166