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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Que sont les intellectuels devenus ?


Par Youssef Mouawad
2009 - 05
Mais où sont les intellectuels d’antan si bien parlant, si plaisants en faits et en dits ? Ils donnaient le ton, ils se produisaient en chaire. Ils étaient « tendance », ils jouaient aux gauchistes ou au crypto anarchistes suivant les règles de l’engagement. Ils promettaient la revanche des damnés de la terre. Ils raillaient la justice de classe ; ils prônaient la justice révolutionnaire plus expéditive, celle qui ne s’encombre pas de procédure.

Que sont ces mandarins devenus ?

Ah, le bon temps quand ils descendaient l’ordre bourgeois en flammes, quand ils promettaient les lendemains radieux. Ils n’étaient d’ailleurs au mieux de leur forme, c’est-à-dire la plus sanguinaire, que lorsqu’il s’agissait d’exclure leurs compagnons d’armes et d’excommunier les camarades déviants.

Ubi sunt .. ubi sunt .. ? Disparus !? « Sont-ils rois en quelque île ? Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? » Eh oui ! Ils ont trouvé des niches à la mesure de leurs ambitions et de leurs talents ! Ils sont devenus néo-souverainistes, eux qui chantaient l’Internationale. Loin d’eux l’idée d’installer la guillotine à tous les coins de rue. Ce n’était que présomption de jeunesse.

Est-ce la trahison des clercs ?

Et la lutte des classes, cette grande oubliée des festins néolibéraux où se presse désormais la fine fleur des salonbolchewisten recyclés, va-t-elle resurgir comme le diable d’une boîte ? N’y comptez pas, du moins ne comptez pas sur les revolutionaries of the drawing room (Dahrendorf).

Ces militants du verbe sont-ils déjà repentis ? Sont-ils passés « du col Mao au Rotary » ? Et le repenti est-il redevenu courtisan, figure emblématique de l’Ancien Régime ?

À Radio Nostalgie, on déclamerait : où sont ces doux plaisirs qu’ils nous donnaient ? Las, ce sont des intellectuels récupérés par le marché dérégulé et sa loi d’airain. Ou comme qui dirait : « Je crois qu’ils sont trop clairsemés. Ils ne furent pas bien semés et sont faillis. »

Grand bien leur fasse, maintenant qu’ils ont converti leurs capitaux culturel et symbolique en capital économique et touchent en retraités les dividendes de leur jihad.

Ont-ils renoncé au déterminisme historique ? Pensez-vous ! Mais pour avoir adopté une posture à un moment où la révolution avait le vent en poupe, ils se sont crus purs, durs et bénéficiant d’indulgence plénière pour le restant de leurs jours. La gratitude, vous connaissez ?

Ah, ces intellectuels  « que vent emporte » ! Avec Talal Haydar je dirai : chati’aleyhum ya dini chati…
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166