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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Musique



Par Georgia Makhlouf
2015 - 06
«En 1929, un jeune homme de vingt-quatre ans, pianiste sur un paquebot des Messageries Maritimes, rencontre, lors d’une traversée, un père jésuite qui le convainc de s’installer à Beyrouth pour y tenir l’orgue de l’USJ. C’est ainsi que Bertrand Robilliard commença ses trente-cinq années de vie au Liban. Pour Toufic Succar, il fut à l’origine de la musique libanaise contemporaine.?»

Cette anecdote incroyablement romanesque donne un avant-goût du ton et de la qualité de l’ouvrage que Zeina Saleh Kayali consacre à la vie musicale au Liban de la fin du XIXe siècle à nos jours. Après avoir patiemment établi l’inventaire des compositeurs libanais et de leurs catalogues dans son précédent livre, l’auteur nous invite ici à découvrir l’histoire de la musique libanaise, ses personnages clés, ses institutions, ses avancées et les tragiques répercussions de la guerre civile sur son rayonnement. Le travail de fourmi qu’elle réalise depuis des années est proprement remarquable, car rien ou si peu n’a été écrit sur le sujet, il n’existe quasiment pas d’ouvrages de référence, les bibliothèques sont infiniment pauvres dans ce domaine et l’archivage des documents n’en est qu’à ses débuts, grâce justement au Centre du Patrimoine Musical Libanais dont elle a été l’un des membres fondateurs et la très discrète mais indispensable cheville ouvrière. Il lui faut donc rencontrer les différents protagonistes de cette histoire musicale ou leurs descendants, avoir accès à des archives familiales, réaliser des dizaines d’entretiens et croiser toutes les informations collectées. Pas à pas, elle fait exister cette musique libanaise parce qu’elle lui donne ses pères fondateurs, ses multiples visages, parce qu’elle porte à la connaissance du public ses récits, parce qu’elle se bat pour que soient interprétées ses mélodies. Et par cette mise en relation des acteurs, voilà que des amitiés naissent, que des projets voient le jour, que cette musique s’enrichit, élève la voix, accède à plus de reconnaissance. 

Chacun trouvera dans ce livre des réponses à ses interrogations et y fera des découvertes savoureuses. L’importance de la musique sacrée, qu’elle soit syriaque ou byzantine?; les apports des musiques égyptienne et bédouine?; le rôle de la transmission orale et de l’improvisation?; le détail des instruments qui accompagnent le chant, nay, daff, oud, mejwez, qanun ou kamanje?; les catégories du chant liturgique maronite et melkite, sughito, sedro ou mazmuro pour l’un, tropaire, kontakon ou canon pour l’autre, l’auteur nous fait parcourir les époques et les traditions avec simplicité et gourmandise. Elle raconte toutes sortes d’histoires comme la merveilleuse légende de Romanos le Mélode qui se désolait de ne pouvoir bien chanter à cause de sa voix peu agréable. Assistant un soir à la vigile de Noël, la mère de Dieu lui apparut tenant un parchemin qu’elle lui donna à manger. À peine avait-il goûté cette nourriture particulière qu’il se mit à chanter à pleine voix un chant encore interprété de nos jours lors des nuits de Noël?: La vierge aujourd’hui met au monde l’Éternel. Cet apprentissage par ingestion laisse rêveur…
Mais on croise également des figures plus connues?: la toute jeune Nouhad Haddad qui chante dans le chœur de Radio Liban à la fin des années 1940 et qui va devenir… l’icône de la chanson libanaise sous le nom de Fairuz?; Alexis Boutros, initiateur et bâtisseur de tout un pan de la vie culturelle et musicale du Liban dans le cadre de l’ALBA?; les inventeurs du piano à quart de ton, Abdallah Chahine ou de la trompette arabe, Nassim Maalouf. Car en filigrane de cette histoire se dessine l’enjeu de la musique libanaise, sa quête identitaire, sa recherche permanente qui est celle de jeter des ponts entre Orient et Occident.


Rencontre avec Zeina Saleh Kayali autour de son ouvrage le vendredi 5 juin 2015 à 18h30 à la Bibliothèque publique municipale de Monnot, rue de l'Université Saint Joseph, Achrafieh.
 
 
© Festival de Baalbek
 
BIBLIOGRAPHIE
 
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