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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée
Des dieux aux hommes


Par Ralph Doumit
2019 - 08

Les éditions Sarbacane nous ont habitués au soin qu’elles portent à leur travail de production. Le Dieu Vagabond, nouvelle histoire de l’Italien Fabriozio Dori, ne fait pas exception. Dos toilé élégant, papier de qualité : l’objet est à la hauteur de la beauté des planches de l’auteur qui n’a pas peur de mettre en cases des envolées graphiques généreuses, peintes et foisonnantes.

Eustis, jeune brun aux cheveux longs et à la barbe mal rasée, à la veste large et la démarche décontractée, est fidèle à premier abord à tous les poncifs du vagabond lambda. Pourtant, il semble s’être forgé une réputation qui pousse certaines personnes à venir le consulter. En cercle privé, dons de voyance, visions et révélations sont au rendez-vous. Car Eustis n’est pas un humain ordinaire. Il y a de cela plus de deux millénaires, il vivait sous les traits d’un satyre, compagnon de route du dieu Dyonisos et ami du dieu Pan.

Chassé du monde des dieux pour avoir courtisé une nymphe protégée de la déesse Artémis, il traverse les siècles sous les apparats d’un homme ordinaire. Le temps passant, il se forge la conviction que le monde des dieux antiques qui était le sien a depuis bel et bien disparu. Fabrizio Dori raconte dans Le Dieux Vagabond le déroulé des quelques semaines durant lesquelles, de rencontres en rencontres, Eustis va retrouver la porte du monde mythologique.

À l’instar de Neil Gaiman, romancier anglais (à qui l’ont doit American Gods ou, pour les plus jeunes, Coraline) qui scénarisa la vaste série de bande dessinée Sandman, Fabrizio Dori mêle joyeusement mythologie et monde contemporain. Ce mélange de tons est au cœur de la narration de l’album. Si certaines de ses cases sont de véritables toiles à l’atmosphère cérémonieuse faisant ouvertement référence aux esthétiques de grands peintres, son trait vire dès la case suivante vers l’anecdote et le grotesque. Il en va de même pour l’écriture des dialogues, parfois emprunts du poids allégorique des paroles divines, parfois usant d’une syntaxe on ne peut plus familière.

Dans son précédent album, Fabrizio Dori avait mis en scène les dernières années de la vie de Paul Gauguin, dans un récit mêlant tout aussi joyeusement légendes et réalité. Sa passion pour les peintres de la fin du XIXe ne se dément pas ici. L’une des scènes les plus marquantes du Dieu Vagabond imagine, sous forme de flash-back, la rencontre entre Eustis et Van Gogh. Le satyre propose au peintre de voir le monde dans les yeux d’un être divin le temps de quelques instants. C’est le bouleversement qu’il subit durant cette expérience qui aurait poussé Van Gogh à produire ses plus fascinantes toiles, mais également à faire basculer sa vie dans les méandres de la dépression.

On ne boude pas notre plaisir, réel et sincère, à la lecture du Dieu Vagabond, mais la curiosité est là de voir dans un prochain album le foisonnement d’idées de Dori, son festival de formes et de styles, ne plus reposer sur des univers (la vie de Gauguin, la mythologie) qui ne l’attendaient pas pour fasciner.


 
 
 BIBLIOGRAPHIE
Le Dieu Vagabond de Fabrizio Dori, éditions Sarbacane, 2019, 160 p.


 
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166