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Bande dessinée
Toute la douceur de l'ogre


Par Ralph Doumit
2017 - 04


Il y a une année nous quittait un homme dont la carrure imposante, la barbe foisonnante et le visage noyé dans de rondes pommettes auraient pu le destiner au métier d’ogre. Mais René Hausman (puisqu’il s’agit de lui) était sans doute trop doux pour le rôle. Il sera illustrateur et dessinateur de bande dessinée.

Aux côtés de Raymond Macherot (à qui il rendit hommage en 2016 le temps d’un album de reprise de sa série Chlorophylle) ou Frank Pé (qui donna ses traits au personnage de l’oncle de son héros Broussaille), il est le troisième membre de ce trio d’auteurs issus de la tradition franco-belge et partageant un amour immodéré pour les animaux et la nature.

La nature, sous les pinceaux de René Hausman, balance entre une beauté rassurante et les mystères plus inquiétants des légendes de son Verviers natal, que le sédentaire qu’il est ne quitta jamais. À l’instar de Ji?í Trnka, cet autre ogre-illustrateur qu’il admirait beaucoup, ses forêts sont peuplées d’êtres que nous autres, lecteurs urbains, hésitons après lecture à encore qualifier d’imaginaires.

Voici que les éditions Dupuis, très portées ces dernières années vers des publications patrimoniales, éditent en hommage la version inachevée de l’album sur lequel il travaillait et qui devait marquer son retour dans la prestigieuse collection «?Aire libre?»?: La Mémoire des pierres.

Pour ce nouveau récit, René Hausman avait proposé à sa compagne de vie, Nathalie Troquette, d’être aux commandes du scénario. Épaulée par leur ami Robert Reuchamps, la voilà qui propose à René un texte taillé pour ses dessins, dont le personnage principal connait un destin mystérieux intimement lié à des légendes locales.

Hausman s’adonne alors à un exercice inhabituel pour lui?: dessiner, par le truchement de petits croquis au trait lâché, l’intégralité du story-board de l’album. Il souhaitait, justifie-t-il, fournir à ses scénaristes un aperçu complet de l’histoire, pour être certain que son approche leur convenait avant d’attaquer les dessins finaux. C’est ce story-board qui est intégralement proposé dans l’ouvrage.

Les dessins sont à peine esquissés. Mais soucieux qu’à la lecture de cette ébauche le charme opère déjà, il y ajouta des couleurs, des taches d’aquarelle toutes en nuances, allant jusqu’à rougir les joues de ses personnages, pourtant croqués si vite qu’ils seraient apparus, sans cela, comme des formes aux limites de l’abstraction.

Nous voici donc face à ce document de travail comme on découvrirait un secret, certes sans enjeux, mais Ô combien intime. Car l’affection que René Hausman porte à ses scénaristes déborde de toutes les indications manuscrites qu’il leur laisse dans les marges?: «?Améliorer le décor?», écrit-il par-ci comme pour s’excuser. «?Attention c’est l’été?!?», précise-t-il par-là pour donner un coup de pouce à l’imagination. Plus loin, une note – «?Végétation du mois de mai?» – accompagne l’esquisse d’un décor, aide-mémoire qu’il est peut-être seul à comprendre avec précision.

Cette Mémoire des pierres est en somme comme une porte ouverte sur l’atelier et le cœur de René Hausman.


 
 
D.R.
 
BIBLIOGRAPHIE
La Mémoire des pierres de René Hausman, Nathalie Troquette, Robert Reuchamp, éditions Dupuis, 2017, 136 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166