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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Bande dessinée
La fée de la rue Semaani


Par Toufic Safié
2007 - 06
C’est dans un carton rectangulaire, à mi-chemin entre un porte-documents et un emballage de man’ouche au saj (de chez ZWZ), que la jeune artiste a précieusement «plié »… son impasse.

Sa 38, rue Youssef Semaani – où elle est née –, Zeina Abirached l’a bricolée dans un style aussi diversifié que léger, pour en faire : une bande dessinée dédoublée d’un album commenté, érigé en maquette multidirectionnelle. Finalement, tout se confond dans un tableau artistique où, en même temps, la caricature se mêle à la littérature, le réalisme au symbolisme et l’humour à l’amour. Quand tout se déplie, un immeuble de 3 étages apparaît. Chaque étage se divise en 3 bandes, et chaque bande révèle l’histoire de son habitant. Mais ce n’est que la façade ; il faut ensuite regarder au verso – de l’immeuble – pour voir ce qui s’y passe. Quinze petites histoires voisines décrivent les portraits, les habitudes, la vie des personnes, des animaux et même des objets qui habitent la 38, rue Youssef Semaani.

D’Elmer Hajj-Boutros le canari, à la veuve Médée alias Dédé, en passant par (ou sur) les tapis persans d’Oscar Daoud et les chaussures à pompons de Merlin Assaf, des histoires de vies ordinaires qui, sans se ressembler, s’assemblent tout harmonieusement par des liens qu’on se réjouit de découvrir dans les petits détails.

Dans le style « synthétique, assez graphique » qu’elle préfère, et qu’elle maîtrise brillamment, Zeina Abirached fait allusion à plusieurs techniques artistiques, qui varient d’effets et de dimensions selon les histoires – et les étages. Par des zooms in et out, l’œuvre suivrait le mouvement d’une caméra qui se déplace tout au long de l’immeuble, faisant de petites incursions dans les appartements et les couloirs pour y saisir leurs histoires… Alternant le simple et le condensé, le caricatural léger se trouve mêlé à un expressionnisme saisissant. On pourrait même en dégager une certaine influence pop’art, dans les cheveux de Théodore marsabén ou la robe de Médée Abdo qu’on dirait sortis tout droit d’un clip des Beatles. Tout cela est peint en noir et blanc. L’artiste justifie son choix par une recherche de l’authentique  « pour ne garder qu’un seul élément porteur de sens ». Par souci de clarté, à l’heure où l’exploitation des couleurs se fait de plus en plus sombre…

Par la magie d’une plume simple mais pas simpliste, la jeune diplômée de l’ALBA fait de son impasse natale une véritable œuvre de BD qui voyage dans le monde et rassemble les appréciations. Si seulement toutes les impasses libanaises pouvaient être traitées avec autant de créativité !

 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166