2019 - 07
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Un beau jour, ils
ont décidé de quitter le vieux pays. Boulot peu attractif, besoin vital de
sécurité, déception amoureuse, déconvenue politique, ou ras-le-bol de tout, peu
importe. Ils sont partis.
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Bien sûr, on a
beaucoup pleuré. Ils nous ont manqué lors de la première communion du petit
dernier et aussi pour le baptême de notre premier petit-fils et même à chaque
fois que téta nous réunissait pour ses fameuses feuilles de vigne farcies, leur
plat préféré. Beaucoup de fêtes de Pâques sont passées en leur absence (nos
expats ne viennent jamais à Pâques, ils en oublient même la date) et on a mangé
plein de maamouls sans eux. On a même enterré des oncles chéris et des tantines
affectueuses sans qu’ils ne soient là lors de leurs derniers moments ni même
pour leur « quarantième ».
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Alors quand ils
nous annoncent leur venue cet été, c’est la joie. On s’affaire pour redonner
vie à leurs chambres délaissées, pour refaire le jardin « comme avant » et les
cordons-bleus de la famille s’emploient à reproduire le plus fidèlement
possible leurs recettes favorites. C’est drôle, on agit comme si on recevait
des étrangers, on se montre sous son meilleur jour, ne tolérant aucun
laisser-aller, comme si on n’avait pas passé notre enfance vautrés avec eux en
pantoufles et pyjama sur le vieux canapé du salon !
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Alors quand Ã
l’arrivée, ils critiquent l’aéroport mal tenu, la circulation démente, la
pollution de la mer et les passe-droits, on se retrouve dans la situation de
celui qui a un gosse doué mais raté. Devenant les parents de ce cher vieux
Liban, on le défend passionnément, aveuglément, sans objectivité aucune,
camouflant ses faiblesses, mettant en avant la clémence de son climat et sa
douceur de vivre à l’orientale.
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Et quand on
arrive à obtenir à notre cher expat un rendez-vous chez un médecin réputé pour
le lendemain matin au lieu des six mois de rigueur dans les pays « civilisés »
(grâce – chut ! –, à la boîte de chocolats subrepticement offerte Ã
sa secrétaire à Noël), on tient là une revanche ténue mais certaine sur
l’Occident tout entier !
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Il faut dire que
depuis la crise des Gilets jaunes, nos chers expats font moins les fanfarons…