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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul
Nos chers expats


2019 - 07

 

Un beau jour, ils ont décidé de quitter le vieux pays. Boulot peu attractif, besoin vital de sécurité, déception amoureuse, déconvenue politique, ou ras-le-bol de tout, peu importe. Ils sont partis.

 

Bien sûr, on a beaucoup pleuré. Ils nous ont manqué lors de la première communion du petit dernier et aussi pour le baptême de notre premier petit-fils et même à chaque fois que téta nous réunissait pour ses fameuses feuilles de vigne farcies, leur plat préféré. Beaucoup de fêtes de Pâques sont passées en leur absence (nos expats ne viennent jamais à Pâques, ils en oublient même la date) et on a mangé plein de maamouls sans eux. On a même enterré des oncles chéris et des tantines affectueuses sans qu’ils ne soient là lors de leurs derniers moments ni même pour leur « quarantième ».

 

Alors quand ils nous annoncent leur venue cet été, c’est la joie. On s’affaire pour redonner vie à leurs chambres délaissées, pour refaire le jardin « comme avant » et les cordons-bleus de la famille s’emploient à reproduire le plus fidèlement possible leurs recettes favorites. C’est drôle, on agit comme si on recevait des étrangers, on se montre sous son meilleur jour, ne tolérant aucun laisser-aller, comme si on n’avait pas passé notre enfance vautrés avec eux en pantoufles et pyjama sur le vieux canapé du salon !

 

Alors quand à l’arrivée, ils critiquent l’aéroport mal tenu, la circulation démente, la pollution de la mer et les passe-droits, on se retrouve dans la situation de celui qui a un gosse doué mais raté. Devenant les parents de ce cher vieux Liban, on le défend passionnément, aveuglément, sans objectivité aucune, camouflant ses faiblesses, mettant en avant la clémence de son climat et sa douceur de vivre à l’orientale.

 

Et quand on arrive à obtenir à notre cher expat un rendez-vous chez un médecin réputé pour le lendemain matin au lieu des six mois de rigueur dans les pays « civilisés » (grâce – chut ! –, à la boîte de chocolats subrepticement offerte à sa secrétaire à Noël), on tient là une revanche ténue mais certaine sur l’Occident tout entier !

 

Il faut dire que depuis la crise des Gilets jaunes, nos chers expats font moins les fanfarons…

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166