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Le clin d'œil de Nada Nassar-Chaoul
Mon oncle de France


2019 - 02
Certains ont un oncle d’Amérique. Riche, très riche ou supposé tel dont ils attendent impatiemment l’héritage… généralement happé par une aventurière « de haut vol », c’est le cas de le dire. 

Nous, dénués de toutes « espérances », on se consolait avec un oncle de France. Un genre de capitaine Haddock bouillonnant et attendrissant, l’oncle Guy, époux de notre placide tante Marcelle. Les gens du village n’ayant jamais réussi à prononcer correctement son nom l’appelaient tout bonnement Jim. Pour l’état-civil, c’était Guy-Henri-Michel-Julien. Tout un programme. On était fascinés. Comment pouvait-on avoir quatre prénoms ? 

Cet amoureux du Liban, resté au pays bien après la fin du Mandat, était à lui seul un petit coin de France. Il réclamait tous les jours sa baguette – un mystère pour le pauvre boulanger de la montagne – et pour son déjeuner, des « paupiettes de veau » et des « alouettes sans tête », des morceaux dont notre malheureux boucher n’avait jamais entendu parler. Et je ne vous parle pas de ses « flageolets » avec le rôti du dimanche, remplacés d’office par de vulgaires haricots blancs du terroir par Salimé, sa prosaïque cuisinière.

C’est chez lui qu’on a découvert Jours de France, la revue glamour des familles royales européennes. On était devenus incollables sur le Comte et la Comtesse de Paris et sur les amours d’Hélène d’Orléans qui nous faisaient pleurer. Mais aussi les San-Antonio avec leurs gauloiseries et leur argot truculent, les magazines 100 blagues et les revues de mots croisés « difficiles ».

Il avait une maman qui, curieusement, ne s’appelait pas Téta, mais Mémère, et un neveu beau garçon, François, dit Fanfan la Tulipe, qu’on prenait pour Gérard Philippe et dont on était, bien sûr, secrètement amoureuse.

Si aujourd’hui on aime tant la France, c’est un peu à cause de l’oncle Guy.

Un peu de Normandie à Ayn el-Saydé.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166