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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Le clin d'Å“il de Nada Nassar-Chaoul



2017 - 01
Elle y tenait tellement que l’on ne pouvait décemment pas le lui refuser. On avait beau lui objecter que la veille encore, on était ensemble pour le réveillon de Noël, que l’on s’était déjà bruyamment congratulé, embrassé, échangé des vœux de joyeux Noël, que l’on s’était exclamé sur les beaux cadeaux dont on rêvait justement, rien n’y faisait.

Alors, on réveillait les garçons ensommeillés et grognons qui avaient passé le post-réveillon de Noël dans les pubs branchés de la ville à absorber coup sur coup de nombreux shots. On les conjurait de s’habiller correctement. Et on y allait, munis de la bûche traditionnelle aux marrons.

Elle nous guettait de sa fenêtre, déjà vêtue de son beau tailleur des jours de fête, coiffée, parfumée et pomponnée comme il sied à une dame-comme-il-faut qui reçoit chez elle un jour de Noël. Le sapin avec ses guirlandes surannées était à sa place habituelle, ainsi que la crèche au Petit Jésus rose qui émerveillait notre enfance.

Malgré son âge avancé, elle tenait à nous servir elle-même, de ses mains qui tremblaient légèrement, des liqueurs ambrées accompagnées de dragées exclusivement aux amandes, plus raffinées, professait-elle, que celles au chocolat. 

Comme si on ne s’était pas vus depuis des mois, elle faisait la conversation à son gendre, l’interrogeant sur la «?situation?», partant du principe, un peu désuet, que les messieurs aiment bien parler politique et problèmes internationaux graves. Puis, tour à tour, elle s’enquérait du travail des garçons et des «?jeunes filles?» – comme elle le disait joliment – avec lesquelles ils sortaient et si «?c’était sérieux?». 

On la quittait sur de gros bisous et la promesse, un peu hâtive, de passer la voir plus souvent l’année prochaine.

Ce 25 décembre là, la maison est vide. Il y fait froid. On a roulé les tapis et décroché les tableaux. Les dragées et les liqueurs rangées sagement sur le buffet semblent abandonnées.

Cette année, on n’aura pas à supplier les garçons d’y aller.
 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166