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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Revue
Michel Foucault à l'honneur


Par Tarek Abi Samra
2014 - 09
Kalamon est bel et bien relancée. En fin 2012, cette revue trimestrielle et culturelle s’était heurtée à un obstacle de taille, souvent fatal pour la survie des périodiques arabophones, surtout ceux qui se veulent indépendants : le manque de financement. Disparue ainsi pour un an, elle a repris son essor grâce au soutien de l’éditeur L’Orient des Livres ; et voici donc, tout récemment paru, son dixième numéro, le troisième après cette période de sursis. De plus, il semble que Kalamon a non seulement réussi à surmonter les adversités matérielles, mais su aussi attirer au sein de ses pages un nombre croissant d’écrivains, le comité de rédaction n’étant plus obligé de fournir une large part des contributions comme c’était le cas au temps des débuts. 

Quant à ce dernier numéro, Michel Foucault en est la vedette incontestable : on y retrouve la traduction intégrale d’un long entretien (35 pages) que Farès Sassine a fait avec le philosophe en 1979, dix mois après les premières prises de position de celui-ci sur la révolution iranienne. Cet entretien passionnant est de surcroît assez précieux car Foucault y clarifie ses déclarations qui ont suscité beaucoup de malentendus. Ainsi, il explique que malgré l’enthousiasme ressenti par lui face au spectacle des Iraniens se révoltant contre un pouvoir oppressif, il ne s’est jamais prononcé pour une renaissance de ce que lui-même a désigné comme une « spiritualité politique » ; il n’a fait que décrire un phénomène auquel il a assisté : le retour d’une certaine forme de spiritualité dans le domaine du politique. Tout ce qu’on lui avait attribué comme opinions favorables au gouvernement religieux n’était, affirme-t-il, que médisance ou folie.

Par ailleurs, une très grande diversité des sujets et des approches caractérise ce numéro et plusieurs des précédents, la revue ayant depuis assez longtemps abandonné la formule consistant à regrouper autour d’un thème central la majorité des contributions. Ce choix éditorial procure à la lecture un sentiment ludique, voire même jubilatoire, car il nous donne à croire que la culture dans notre monde arabe est encore vivante, les différentes formes de la pensée et de l’art sortant de leur cloisonnement pour se côtoyer de près. On pourra donc plonger dans une histoire critique des partis communistes arabes et de leurs différences idéologiques (Issam al Khafagi) ; dans un dialogue entre l’artiste franco-algérien Kader Attia et la journaliste française transgenre Hélène Hazera sur la marginalisation des productions culturelles des transsexuels ; ou même dans un court récit autobiographique de Hazem Saghieh relatant sa fascination de jeunesse pour la loterie. De son côté, Yassin el-Hajj Saleh nous invite à méditer sur la relation entre, d’une part, le fondamentalisme de la langue arabe littéraire (al-fusha), sa rigidité et son hostilité à tout changement, et d’autre part, le fondamentalisme proprement religieux ; alors que Tarek el-Ariss nous propose une étude des rapports entre homosexualité et folie dans les romans de Hanan el-Cheikh et Hamdi Abou Golayyel. Le potentiel révolutionnaire méconnu de l’Islam et l’incompréhension de cette religion par l’Occident sont mis en avant dans un entretien avec Mahmoud Hussein (pseudonyme réunissant deux intellectuels égyptien, Bahgat el-Nadi et Adel Rifaat), tandis qu’un incident de la guerre civile libanaise, l’enlèvement de quatre diplomates russes, ressurgit dans une sorte d’assemblage multimédia de Rabih Mroué.

Mentionnons enfin la contribution exceptionnelle de Chaza Charafeddine et Roger Awta qui ont élaboré un récit « partiellement fictif » dans lequel l’ancien ministre et député Michel Samaha raconte le déroulement de l’affaire des charges explosives. Se basant sur les enregistrements et les procès-verbaux publiés dans la presse, les deux auteurs ont procédé à une reconstitution de la confession de Samaha ; selon ses propres mots, ce dernier aurait été impliqué dans la préparation d’un attentat terroriste parce qu’il s’était senti « embarrassé », c’est-à-dire tout simplement incapable de dire non. Laissons intacte au lecteur la surprise de découvrir ce texte singulier.


 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Kalamon no10 de , L’Orient des Livres, août 2014, 262 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166